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20 juin 2007

Ravnica, la citée des guildes

Cela fait bientôt 10 000 ans que la paix règne sur le plan de Ravnica. La guerre des guildes aura abouti à un compromis. Depuis que les dix parrains ont signé le pacte des guildes, sa magie protège les différents peuples. Car Ravnica est un plan à la population hétéroclite. Les humains côtoient régulièrement les gobelins, les viashinos, les ogres, les loxodons et bien d'autres races encore. Les clans composés naturellement de membres d'une même race ont laissé place à de puissantes guildes ayant la main mise sur les différents secteurs et domaines du plan. Bien qu'extérieurement une impression de paix règne depuis le pacte, le plan connaît néanmoins des luttes de pouvoir entre les clans, n'ayant encore jamais abouti a une réelle guerre ouverte entre les guildes. Chacune d'elle a sa place dans la mégalopole au grand détriment d'Agrus Kos.


Kos est  un lieutenant de la ligue Wojek, une division de la puissante légion Boros, chargée de maintenir l'ordre sur Ravnica. Sa principale activité consiste à faire la chasse aux fauteurs de troubles dans le dixième district de Ravnica. Il s'agit le plus souvent de renégat du culte de Radkos (Nb : dans les cartes, c'est Rakdos), la guilde satanique la plus violente du plan. Néanmoins le culte est toléré sur le plan. Les assassins de la guilde satanique sont souvent sollicités par d'autres guildes afin d'accomplir la sale besogne. Le culte est d'ailleurs d'autant plus toléré que sur Ravnica le meurtre, activité à laquelle s'adonne souvent les Radkos, n'est pas en soit une infraction.

Kos est d’autant plus anxieux que dans quatre jours, sur la mégalopole se tiendra la fête du Décamillénaire, afin de commémorer les 10 000 ans du pacte. Les touristes sont plus nombreux que jamais et une certaine tension se ressent un peu partout. Mais ce qui énerve Kos par dessus tout, c’est la promotion qui lui a été imposée récemment. Dans une semaine, Agrus Kos sera promu capitaine et n’aura plus l’occasion de travailler sur le terrain. Il lui reste peu de temps pour finir de former Borca, son jeune acolyte wojek assez malhabile. Ajoutez à cela que ces dernières journées n'auront pas été de tout repos. Des directeurs de théâtres usant d'enchantement s'attaquent aux acteurs sous l'effet d'une magie trop brutale et des banshees réclament vengeance à leurs époux encore vivants dans les locaux mêmes des liguepostes wojek. Mais cela n'est rien de plus que le quotidien du lieutenant boros. Ce qui a déconcerté le plus Kos ces derniers temps a plutôt été la vision du fantôme de son vieil ami, Zunich, mort depuis 57 années. Ce dernier lui avait demandé avant sa mort de prendre soin de sa fille, mais jamais Kos n’avait réussi à la retrouver. Bien sûr, sur Ravnica les fantômes ne sont pas rares, mais ils n'errent que peu de temps sur le plan après leur mort. De plus les assassins rôdent plus que jamais. Kos n'a ainsi pas réussi à empêcher l'assassinat de St Bayul, loxodon ambassadeur du Conclave de Selesnya, alors que cela c'est déroulé sous ses yeux, sur une terrasse de la rue d’Étain. Un kamikaze gobelin c'est ainsi fait explosé, faisant disparaître le loxodon, son garde du corps ledev et Borca.


Pendant ce temps, dans les profondeurs du vieux Rav sous Ravnica, Savra, la Matka des Golgari conspire sous les ordres de Szadek, le seigneur des murmures. Le vampire millénaire lui a remis la clef qui permettra à Savra de ramener à la vie le dieu zombie Svogthir. Le nécromancien fondateur et parrain de la guilde des Golgari est en effet l'élément qui manquait à Savra pour pouvoir se débarrasser de l'emprise qu'ont les soeurs de la mort de pierre sur l'Essaim. Après un long rituel de nécromancie, Savra a réussi à libérer Svogthir de sa prison végétale où l'avait enfermé les trois soeurs gorgones un millénaire auparavant. Utilisant ses pouvoirs pour contrôler le corps reconstruit du dieu zombie géant, c'est avec une facilité déconcertante qu'elle s'est débarrassée de deux des trois soeurs et a ainsi rallié sous ses ordres le peuple Golgari. En drainant les pouvoirs de Svogthir et en soumettant à sa cause Ludmilla, l'aînée et la seule survivante des trois soeurs, Savra devint ainsi la maîtresse de l'Essaim Golgari. Mais son ambition allait bien au delà ...

Non loin de là dans le vieux Rav, Fonn, l'elfe ledev chargée de la protection de St Bayul, se réveillait. Elle avait passé trois jours endormie depuis l'attentat auquel elle avait survécu grâce à l'intervention de Jarad, un elfe devkarin. Mais Jarad n'était pas exactement un allier. Alors que les ledev étaient depuis toujours sous les ordres du Conclave, les Devkarin eux travaillaient pour la guilde Golgari. Et si Jarad avait sauvé Fonn, il n'en était pas moins responsable de la mort de St Bayul. Maintenant il détenait prisonnier Fonn et attendait les ordres de sa soeur, Savra. Mais ce qui vint ne fut pas ce qu'il attendait. Trois harpies tentèrent de le tuer, mais Jarad parvint à s'en débarrasser, en particulier grâce à son pouvoir de contrôle des insectes. Jarad était maintenant la cible des tératoïdes Golgari. Il lui semblait vraisemblable que sa chère soeur tentait de l'éliminer et ce qui lui importait maintenant était de survivre et savoir ce qui poussait sa soeur à agir ainsi. Fonn et Jarad conclurent ainsi un accord. Ils s'entraideraient pour regagner la surface et rejoindre le Pivlichino où un informateur les aiderait à tirer cette affaire au clair. Sur le chemin, Fonn retrouva son loup domestique, Biracazir, qui avait heureusement aussi échappé à l'explosion.


Parallèlement, Kos se réveillait de son coma de trois jours provoqué par l'explosion ayant tué St Bayul. Les nouvelles n'étaient pas réjouissantes. Son coéquipier était mort dans l'attentat et l'affaire ne lui sera pas confiée. Il devrait rester encore plusieurs jours inactif avant de reprendre du service. Pire que ça, le fantôme de Borca le hanterait désormais jusqu'à ce qu'il le venge. Kos était le seul à pouvoir voir le spectre et bien que celui-ci ai gardé la même personnalité que de son vivant, il n'en cassait pas moins les pieds du lieutenant boros. Ce dernier ne pouvait plus attendre. Il fallait qu'il sache exactement ce qu'il s'était passé trois jours plus tôt. En recherchant sous quels ordres agissait le gobelin kamikaze, il pourrait peut-être venger le fantôme de Borca. Accompagné par son spectre collant, Kos quitta l'infirmerie du poste wojek pour ce rendre là où il s'avait qu'il collecterait les informations nécessaires. Au Pivlichino (il y a des hasards qui ne s'expliquent pas). Il fut aussi accompagné par son ami angélique, Plume. Kos n'a jamais su pourquoi Plume avait rejoint les wojeks plutôt que de rester avec les autres anges de Boros, dans la forteresse volante de Solcastel. Il ne savait pas non plus pourquoi Plume avait les ailes liées. Mais ce qu'il savait, ce qu'elle était une allier redoutable et honnête, et qu'elle ne serait pas de trop pour l'aider en cas de problème.

Ce soir là comme tous les soirs au Pivlichino, la règle était simple. Ceux qui décidaient de combattre dans les fosses auraient la possibilité de dévorer leurs adversaires vaincus. Mais si Kos avait décidé de se battre ce soir là, ce n'était pas pour consommer le demi-démon qui lui faisait face, mais pour lui soutirer les informations qu'il détenait sur ceux qui avaient engager le gobelin kamikaze. Kos ne serait pas seul dans ce combat. Un autre client du restaurant voulait en effet aussi questionner le demi-démon dénommé Iv‘g‘nork. Il s’agissait ni plus ni moins de Jarad. Mêlait leurs arts du combat respectifs, le Devkarin et le Wojek réussirent à tenir tête à Iv‘g‘nork, non sans difficulté. L'absence du pendrek de Kos rendait la tache plus difficile. Finalement, c’est les insectes meurtriers de Jarad qui firent la différence. Mais cela n’avait plus beaucoup d’importance. Une dizaine de silencieux avaient pris possession du Pivlichino. Fonn, qui était présente au côté de Plume, ne compris pas la réaction des silencieux quand ceux-ci commencèrent à démolir tout ce qui se trouvait autours d’eux. Ce n’était pas dans l’esprit des silencieux d’agir ainsi, ni même dans l’esprit du Conclave en général. Kos, Jarad, Fonn et Plume en conclure que les silencieux étaient à la poursuite de l’un d’eux et prirent la fuite ensemble sur le toit du Pivlichino. Accompagné par Biracazir, Borca (toujours collé à Kos) et Pivlic, le lutin gérant du restaurant, le petit groupe pris la fuite à bord d’un zeppelide. C’est juste avant de décoller qu’un faucon vint à leur rencontre pour délivrer un message à Kos. St Bayul était encore vivant, dans un état très proche de la mort. Pour Fonn et Kos, leur prochaine destination était certaine. Il fallait retourner aux baraquements wojek du dixième district afin d’interroger St Bayul avant qu’il ne décède.


Le chemin du retour ne se passa pas dans des conditions exceptionnelles. Les silencieux capables de voler avaient pris en chasse le zeppelide de Pivlic et menaçaient de le faire s'écraser. C'est à l'aide de baquettes boum-boum trouvées dans la cale du zeppelide que Fonn et Jarad réussirent à les repousser. Mais le petit groupe n'était pas au bout de ses surprises. Le ligueposte du dixième district était quasiment vide. Tous les hommes wojek avaient été envoyés à Fort central. La place centrale de la guilde Boros était en ce moment même en train de subir une attaque massive de la part de la guilde Golgari. Les tératoïdes, les Devkarin et les désincarnés avaient allié leurs forces et Ludmilla elle-même commandait les troupes dans cette offensive pour prendre Fort central. C'était la première fois depuis des siècles qu'une guilde déclarait la guerre à une autre. Et ça présentait mal pour les boros. Ce n'était un secret pour personne. La guilde était en manque d'effectif depuis bien longtemps et ne pouvait plus assurer l'ordre dans tout Ravnica. Depuis plus d'un siècle, aucun wojek ne patrouillait dans le vieux Rav et aujourd'hui le vieux Rav avait refait surface. Le plus surprenant résidait dans le comportement de la population de Ravnica. Celle-ci semblait hypnotisée et, telle des zombies, se dirigeait à présent vers le centre de la mégalopole, Vitu-Ghazi.

Fonn avait enfin rejoint St Bayul. Elle entra en contact avec lui par communion spirituelle juste avant qu'il ne meure. Celui-ci lui révéla que la guilde de Selesnya était en train d'intégrer dans son collectif un nouveau membre, à l'occasion de la Convocation. Il s'agissait de Savra. Cela faisait plusieurs décennies qu'elle s'était infiltrée dans le Conclave et avait mis sur pied sa petite armée de silencieux. Elle avait passé tout ce temps à corrompre l'Arbre de l'Unité, brisant la résistance des Selesnyiens. La Matka est même allée jusqu'à leur faire croire que la guilde Boros était leur ennemi et la cause de la maladie rongeant Vitu-Ghazi. Pour acquérir le contrôle du Conclave, il ne restait plus à Savra que d'être acceptée comme un membre à part entière du collectif. Et pour ça, elle avait besoin de la pierre de St Bayul, désormais en possession de Fonn. Cette pierre suffisait à elle seule pour être reconnu comme membre du sein collectif. Et s'est pourquoi elle avait envoyé au ligueposte du dixième des silencieux afin de capturer Fonn.


Et ce fut chose faite. La diversion créée par l'apparition au milieu du ligueposte d'un lupul aura permit aux silencieux de capturer Fonn et de l'emmener à l'arbre de l'Unité. C'est là que l'attendait Savra, entourée de dryades et de membres du Conclave désabusés. Pour s'emparer de la pierre de pensée, Savra arracha la main de Fonn et pris la pierre faisant d'elle un membre de l'harmonie du Conclave. Alors que les premiers rayons du soleil virent frapper Vitu-Ghazi, la Convocation venait de commencer. La magie du pacte des guildes submergea tout Ravnica dans une vague hypnotique. C'est à ce moment là que Kos, Jarad, Pivlic, et Biracazir (et le fantôme de Borca) arrivèrent à leur tour sur la place de Vitu-Ghazi, à bord du zeppelide démoli tracté par Plume. Plume venait en effet de délier ses ailes et Kos lui ordonna de rejoindre Solcastel afin de demander main forte aux anges. Mais c'était déjà trop tard. La Convocation menée par Savra venait de faire réapparaître à la surface le dixième parrain du Pacte des guildes. Szadek, le seigneur des murmures venait d'être libéré de sa prison souterraine. Cela faisait dix milles ans que le vampire y avait été enfermé par les autres parrains, de peur qu'il ne menace la paix du Pacte. Son nom était devenu une légende, sa guilde une histoire. Mais aujourd'hui le peuple de Ravnica compris que son existence était réelle et Szadek allait faire payer ce même peuple.

Comme seule récompense pour sa fidèle Savra, Szadek lui brisa le coup. Cela eu pour effet de faire sortir de leur torpeur les membres présents près de l'arbre. Biracazir saisi l'occasion pour se jeter sur Shadek mais ce dernier écarta son attaque avec facilité et le blessa gravement. Alors que Kos et ses alliers était en proie à des lupuls, Szadek amorça la dernière étape de son plan pour détruire le Pacte. Avec l'aide des silencieux, Szadek provoqua la sortie de Mère Selesnya de l'Arbre de l'Unité. L'élémental, parrain de la guilde de Selesnya, était la gardienne du Pacte, son unité, son essence. C'est sa magie qui avait permis au Pacte de subsister ces dix millénaires. Mais aujourd'hui, elle était plus affaiblie que jamais. Et Szadek comptait bien en terminer avec elle pour enterrer le Pacte.


Kos et Jarad tentèrent de combattre les lupuls qui formaient maintenant une énorme masse grouillante d'asticots. Mais Jarad compris que sous cette forme, il était capable de les contrôler. Usant de son pouvoir télépathique sur les insectes, Jarad retourna la masse sur Szadek. Au même moment, Fonn tenta de soigner son loup. Mais elle avait déjà utilisé tout son mana pour cicatriser sa main et son loup était sur le point de mourir. La ledev pris la pierre de pensée et tenta de la poser sur son front mais cela n'eu aucun effet. Puis elle tenta de poser la pierre sur le front du loup. Le résultat fut au-delà de ses espérances. Mère Selesnya et Biracazir revinrent à la vie alors que Shadek était à moitié dévoré par les vers. Les vagues d'énergie provoquées par la renaissance de Mère Selesnya virent à bout des lupuls qui infestait un Szadek à moitié mort. Il ne restait plus qu'à Kos à exécuter son devoir de wojek. Il menotta le vampire et le mis en état d'arrestation.

Fin heureuse : L’âme de Borca retrouva la paix une fois son meurtre résolu. Jarad pris la place de sa soeur à la tête de l’Essaim. Ludmilla, qui avait raté son attaque de fort central, a été exilée sous terre. La guilde Golgari fut maintenue malgré sa violation du Pacte, car il est vrai que sans cette même guilde, Ravnica ne pourrait survivre. Biracazir devint un membre du sain collectif de Selesnya et Fonn a décidé de rester un certain temps dans Vitu-Ghazi. Cette dernière s'est révélée être la fille de Zunich que Kos avait recherchée à l'époque de la mort de son vieil ami. Plume est partie à la recherche des autres anges de Ravnica, qui semblaient avoir totalement disparus. Quant à Kos, il décida de démissionner et de partir avec Pivlic dans une zone de reconquête loin de la mégalopole.

        Mais en ce qui concerne le destin de Szadek, rien n'est dit à son sujet ...



Wojek : La sous-section Boros la plus importante, chargée de la plupart des missions de terrain. A côté des wojek existe aussi les aérojeks et les strajeks.

Matka : Grande prêtresse devkarin. Il s'agit du personnage vivant le plus important de la croyance golgari. C'est une sorte de chef spirituel.

tératoïdes : Il s'agit d'une énorme tribu au sein de la guilde Golgari. Elle est composée de toutes sorte de créatures ayant en commun de ne pas être des humanoïdes bipèdes. Cette tribu comprend donc un nombre varié d'espèces différentes plus ou moins intelligentes.

pendrek : Bâton de combat utilisé par les wojek. En mode "baguette", ce bâton permet de lancer des sorts.

silencieux : Il s’agit de sortes d’esprits enveloppés de robes blanches travaillant pour le Conclave et dont la force physique est hors du commun.


Zeppelide Baquette boum-boum : Navire vivant reptilien aménagé afin de transporter des gens et des marchandises par la voie des airs.

Baquette boum-boum   : Bâtonnet au nom évocateur surmonté d'un bulbe de force orangé chargé en mana. Ces baguettes permettent de tirer quelques boules de feu de forte puissance sur une cible.

Désincarnés : Zombies créés par les nécromanciens golgari. Ils sont lents et peu dangereux en petit nombre. Certains gardent une intelligence équivalente à celle de leur vivant.

Lupul : Changeforme qui sous leur forme originelle sont composés de milliers d'asticots.

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14 mars 2007

Iname, Kami de la vie et de la mort

L'enfant ingrat

- Rei Nakazawa


Histoire d'Iname, Kami de la vie et de la mort


L'après-midi de méditation de Dosan fut interrompu par une langue râpeuse et humide qui léchait son visage. Ramenant son esprit en lui-même, il ouvrit les yeux, et se retrouva nez à nez avec un louveteau gris, les yeux écarquillés, dont l'haleine empestait le riz et le poisson. Avant même qu'il ne puisse bouger, le petit loup fut soudainement remplacé par un visage humain aux yeux tout aussi écarquillés, encadré par des joues roses et de courts cheveux noirs et sales à la coupe approximative.

"Maître Dosan !" cria Ryo. "Regardez ce que j'ai trouvé !"

"Je vois..." fut tout ce que le vieux moine pu dire sur le moment. La fourrure de l'affectueux animal chatouillait son front ridé par les ans. Il essuya adroitement une goutte de bave qui coulait le long d'un de ses sourcils d'un blanc immaculé.

"Il était tout seul dans les bois ! J'ai regardé partout, mais je n'ai trouvé sa mère nulle part ! Je l'ai appelé Kenjiro ! Il a mangé tout mon déjeuner, mais ça m'est bien égal !" L'enfant de six ans, vêtu d'une simple veste de tissu, dansait tout autour de la clairière avec le louveteau, manifestement désorienté.
Ryo faisait partie de la dernière vague de réfugiés cherchant à échapper aux kami. Contrairement à la plupart de ses compagnons d'errance, il avait la chance d'avoir encore ses deux parents; ceux-ci faisaient partie des rares à rechercher sincèrement la voie de l'illumination, et ils étaient autorisés à demeurer dans le monastère.

"Ryo", commença Dosan avec le même ton calme dont il usait indifféremment avec tout le monde, depuis ses meilleurs disciples jusqu'aux plus infâmes des prisonniers nezumi, "où sont tes parents ?"

Le petit garçon cessa de danser, ce qui sembla soulager le petit loup tout étourdi. Son visage s'assombrit. "C'est à leur tour de travailler dans les champs aujourd'hui. Ils m'ont dit que si jamais j'avais besoin de quoi que ce soit, je pouvais m'adresser à vous."

"C'est sûrement vrai." Il regarda Ryo frotter la fourrure du louveteau; l'animal grogna et colla son visage à celui de l'enfant. "Et as-tu besoin de quelque chose, petit homme ?"

"Non." Le visage du garçon s'affaissa dans un mélange de confusion et de crainte. "Je ne sais pas." Il se laissa tomber sur le sol en face de Dosan, croisant les jambes pour retenir le petit loup remuant. Dosan étendit doucement le bras pour gratter le louveteau entre les oreilles, et celui-ci ronronna presque en réponse.

Dosan avait beaucoup à faire ce jour-là, beaucoup de choses à organiser avec son budoka, beaucoup à observer et à enseigner. Mais il ne se leva pas de sa place, dans la clairière. "Si quelque chose te tracasse, tu peux m'en parler."

Ryo fit la moue en serrant le louveteau contre sa poitrine. "Mère dit que je ne peux pas garder Kenjiro. Elle dit qu'il doit rester avec sa vraie famille. Ce n'est pas juste !" Une larme unique perla d'un de ses yeux, qu'il fut rapide à essuyer. "Tous mes amis sont restés en arrière, dans la ville. Leurs pères sont restés pour combattre les kami et défendre la ville ! Père aurait pu faire la même chose ! J'aurais pu l'aider à combattre ! Mais maintenant, je suis ici, je n'ai pas d'amis, et Mère veut que j'abandonne le seul ami que j'ai." Il câlina Kenjiro, frottant sa joue contre la fourrure du petit loup. "Ce n'est pas juste !" répéta-t-il.

Dosan observa l'enfant pendant un moment, attendant que son envie de pleurer se calme pour parler. "Veux-tu entendre une histoire ?"

Ryo cligna des yeux; pour autant qu'il sache, même s'il était un nouveau venu dans la forêt et au monastère, il s'agissait d'un évènement rare et important. "Une histoire ?"

"Oui. Peut-être cela te donnera-t-il une meilleure idée de ce que pensent tes parents. Souhaites-tu l'entendre ?" C'était une question que Dosan posait toujours, et, au vu de la manière dont le garçon se tenait là, les yeux écarquillés, il estima que la réponse était "oui". Même Kenjiro avait cessé de gigoter et fixait le vieux moine avec une expression canine qui ressemblait à de la fascination.

***

Aux tous premiers temps de l'univers, commença Dosan, alors que l'eau n'avait pas encore décidé de couler vers le bas des montagnes, et que les étoiles devaient réfléchir à une raison de briller, il y avait les kami. Nés du grand Néant, ils dérivaient, assoupis et silencieux, depuis des temps où même l'existence n'existait pas encore, jusqu'à ce qu'ils commencent à s'éveiller. Seuls et insatisfaits dans le vide, ils commencèrent à faire ce que tout kami faisait en ce temps : créer. Vois-tu, lorsque seul le vide existait encore, même les kami avaient des âmes vierges, pures et innocentes, qui attendaient seulement que leurs propres mains façonnent leur personnalité et leurs rêves. Des mots et des idées, d'inconcevables merveilles et d'insondables horreurs furent imaginées, et annihilées tout aussi vite. Davantage de temps s'écoula, bien plus que les humains soient capables de concevoir, jusqu'à ce que les créateurs soient satisfaits, et commencent à construire ce que nous appelons aujourd'hui Kamigawa.

Mais tous les kami ne trouvaient pas leur voie. L'un des plus jeunes d'entre eux, un nouveau-né aux yeux des kami, nommé Iname, ne savait pas encore ce qu'il voulait faire de son existence. Il était encore un être sans forme, un être de pure idée, sans matière, qui voulait se façonner en une forme sans savoir précisément laquelle. Il observait ses grands frères et soeurs tisser le ciel et la terre, et était empli tout à la fois de crainte et de jalousie de n'avoir pas pensé à tout cela lui-même. Ils étaient déjà devenus les kami anciens et puissants que nous connaissons aujourd'hui comme de pures forces de volonté ; mais Iname, qui malgré son pouvoir était encore un enfant, n'avait pas de volonté précise, ni d'idée de son but, et devait s'inventer lui-même. Il ne savait pas grand-chose sur lui, et encore moins sur l'univers qui l'entourait. Il décida donc de consulter ses frères et soeurs. Ils pourraient sûrement lui apprendre les différentes voies de l'existence, et seraient heureux de l'aider à trouver sa propre voie.

Il s'approcha d'abord d'un de ses frères, un kami du chaos
. "Que veux-tu, petit frère ?" grinça-t-il. "Tu interrompts mon important travail ! J'espère que ton intrusion vaut cette peine !"

"Pardonne-moi, mon frère", dit Iname, s'inclinant devant sa colère, "mais je requiert humblement ton aide. Je voudrais avoir une forme et un but."

"Oh, vraiment ? Et c'est moi que tu viens voir ?" Il réfléchit un long moment. "Je suppose que je peux essayer. Viens, frère, etvois ce que je fais. Qui sait, cela pourrait même te plaire."

"Et que fais-tu ?"

Le kami se mit à rire. "Quel jeune ignorant tu fais ! N'as-tu jamais remarqué à quel point l'ordre encadre toute chose ? L'immobilité de tout ceci ne t'ennuie-t-elle pas ? J'apporte le chaos, l'excitation, le changement ! Viens, et vois comme je brise les chaînes de l'ordre !"

Ainsi Iname suivit-il son frère. Même en ces temps immémoriaux, le chaos était déjà la même force destructrice que nous connaissons. Les planètes combattaient les planètes, les soleils affrontaient les soleils, et les étoiles tourbillonaient en une lutte constante pour la survie. Iname regardait tout cela, tandis que son frère dirigeait ces guerres avec joie. Il l'aida même à semer le chaos, dans son désir de changement. Iname assista son frère pendant des milliers d'années. Mais plus le temps passait, plus il était dégoûté de toute cette destruction gratuite. C'est pourquoi il dit : "Pardonne-moi, mon frère, mais je dois partir."

"Partir ?" demanda-t-il, bouillant de rage. "Mais je t'ai montré les merveilles du chaos ! Je t'ai montré le pouvoir de ma rage infinie ! Ne te sens-tu pas mieux, après avoir déchargé ta frustration sur ces mondes inutiles ?"

"Je dois admettre que oui. Mais ta voie n'est pas celle que je veux suivre."

"Et tu es bien fou de dire cela. D'accord, très bien. Laisse-moi retourner à mon travail. Peut-être que quand tu sera plus âgé, tu comprendras pourquoi tout ceci doit être fait." Il retourna à son travail et poursuivit sa voie de destruction, oubliant rapidement le kami mineur avec lequel il avait travaillé si longtemps. Iname poursuivit sa recherche d'un but.

Il s'approcha ensuite d'une de ses soeurs, un kami qui brillait d'une lumière éblouissante
. "C'est si aimable à toi de me rendre visite, petit frère", dit-elle doucement. "J'ai toujours du temps à consacrer à mes semblables. Que veux-tu de moi ?"

"Pardonne-moi, ma soeur", dit Iname, s'inclinant devant sa bienveillance, "mais je requiers humblement ton aide. Je voudrais avoir une forme et un but."

"Je suis heureuse que tu sois venu vers moi, petit frère. Peux-être que je peux t'aider. Assied-toi à mes côtés, pour que tu puisses voir quel rôle je remplis dans l'univers."

"Quel est ce rôle ?"

"Ah, je vois que tu n'as pas encore appris toutes les voies de cette existence. Je cherche à illuminer ce qui, autrement, serait perdu dans l'obscurité. Il y en a tellement, et elle s'étend bien plus loin que les kami ne peuvent se l'imaginer. Je m'assied, et j'offre ma lumière, dans l'espoir que mes pauvres efforts puissent aider à bannir l'obscurité, même ne serait-ce qu'un instant. Assied-toi, et vois ce que l'on découvre lorsque le vide est illuminé."

Ainsi Iname s'assit-il aux côtés de sa soeur. En ces temps reculés, le vide recouvrait tout. La minuscule lueur apportée par les étoiles ne suffisait pas à faire le moindre accroc aux ténèbres dévorantes. Iname aida sa soeur durant des milliers d'années, contribuant à la gloire de la lumière en lui prêtant la sienne. Mais plus le temps passait, plus il s'ennuyait de cette inaction éternelle. C'est pourquoi il dit : "Pardonne-moi, masoeur, mais je dois partir."

"Vraiment ?" demanda-t-elle, le visage froissé par l'étonnement, "mais je t'ai montré l'importance de la lumière. Je t'ai montré les merveilles qui sont cachées par l'ombre. Ne te sens-tu pas mieux après avoir prêté ta lumière à ma mission vitale ?"

"Je dois admettre que oui. Mais ta voie n'est pas celle que je veux suivre."

"Et je le comprends. D'accord, très bien. Je te souhaite bonne chance dans ta quête. J'espère seulement qu'un jour, tu sera suffisamment mature pour comprendre l'importance de la mienne." Elle tourna le dos à Iname et continua à répandre sa lumière, oubliant rapidement le kami mineur avec lequel elle avait travaillé si longtemps. Iname poursuivit sa recherche d'un but.

Il s'approcha finallement d'un de ses frères, un kami de la connaissance et de l'enseignement. "Salutations, petit frère", dit-il. "Tu interrompts d'importantes recherches. Je te prie de me dire rapidement ce que tu attends de moi."

"Pardonne-moi, mon frère", dit Iname, s'inclinant devant sa sagesse, "mais je requiert humblement ton aide. Je voudrais avoir une forme et un but."

"Alors tu as été très avisé de venir me voir. Je sais que je peux te montrer la voie idéale. Suis-moi, petit frère, et apprends avec moi."

"Apprendre quoi ?"

"Peut-être ai-je surestimé ta sagesse; tu es encore jeune. La réponse à ta question est : tout et n'importe quoi. Notre existence est encore neuve depuis la première création, et de plus en plus de merveilles apparaissent de seconde en seconde. Je veux examiner et comprendre ces phénomènes. Chaque étape est un nouveau voyage. Tu verras par toi-même si tu me rejoins."

Ainsi Iname suivit-il son frère. En ces temps reculés, tout était encore neuf, et il y avait un univers entier de choses à découvrir. Les deux kami l'explorèrent, Iname portant de nouveaux phénomènes et de nouvelles expériences à l'attention de son semblable. Pendant des milliers d'années, ils voyagèrent à travers tout ce qui existait, cherchant, examinant et enquêtant. Mais plus le temps passait, plus Iname devenait fatigué de cette exploration incessante. C'est pourquoi il dit : "Pardonne-moi mon frère, mais je dois partir."

"Partir ?" demanda-t-il d'un ton détaché. "Mais je t'ai montré toutes les merveilles de l'univers. Je n'ai fait que te donner un avant-goût de l'étendue du savoir qu'il reste encore à découvrir. N'es-tu pas curieux de savoir ce que nous pourrions apprendre d'autre ?"

"Je dois admettre que oui. Mais ta voie n'est pas celle que je veux suivre."

"Alors laisse-moi en paix, veux-tu ? J'ai encore tant de choses à voir que je dois commencer immédiatement. Mon seul espoir est que tu grandisses suiffisamment pour avoir la même curiosité que moi." Il tourna le dos à Iname et disparu, oubliant rapidement le kami mineur avec lequel il avait travaillé si longtemps.

Iname réfléchit pendant une centaine d'années, particulièrement mécontent. Ses semblables avaient été sages et sincères, mais aucun d'entre eux n'avait vraiment cherché à l'aider, simplement à l'utiliser pour avancer dans leur propre travail. Ils l'avaient regardé avec condescendance, faisant passer leurs propres envies avant les siennes. Chercher à rencontrer un autre kami serait inutile; ils se comporteraient tous de la même manière. Mais dans quelle autre direction pouvait-il s'orienter ? Si seulement il existait autre chose que les kami, une chose avec laquelle il pourrait apprendre et parler...

L'idée envahit son esprit avec la force d'un tsunami. S'il n'y avait rien d'autre que les kami, pourquoi ne FABRIQUERAIT-il pas quelque chose d'autre ? Excité par cette idée nouvelle, il se mit immédiatement au travail, forgeant la matière, l'énergie et la lumière entre ses doigts. Tandis que cette vie nouvelle prenait forme, Iname se métamorphosait. Son corps devint vert et élancé, ses cheveux prirent une teinte rouge feu, et des ailes de feuillage apparurent dans son dos. Mais il le remarqua à peine; toute son attention était à son travail. Contrairement à ses semblables, il n'expérimentait rien avec ses créations, et les jetait lorsqu'elles ne le satisfaisaient pas. Il se laissait guider par son instinct, heureux de chaque nouvelle forme de vie qui naissait de sa fantaisie. Cela lui prit des centaines d'années, mais il trouva une forme qui lui plaisait. Finallement, il lui conféra une parcelle de sa propre force vitale de kami, et le premier enfant kami, depuis le commencement des temps, était né. Ainsi Iname devint-il le kami de la vie.



Les premiers mots de l'enfant furent un salut : "bonjour, père." En effet, Iname était le premier et sans doute le plus grand de tous les pères, car ses créations mèneraient un jour à l'avènement de l'humanité. Son destin et son but seraient bien plus merveilleux qu'il n'aurait pu l'imaginer.

Au début, l'enfant suivit Iname, lui posant des questions sur le sens de la vie, tout comme Iname l'avait lui-même fait. Iname su que, malgré ce nouveau but qu'il s'était trouvé, il y avait encore bien des choses qu'il ne comprenait pas dans l'univers - de ce point de vue, il était presque semblable à son propre enfant. Alors, au lieu de dire à l'enfant ce qui devait faire ou l'endroit où il devait se rendre, il suggéra qu'ils restent ensemble et explorent l'univers de concert, en empruntant les chemins qui plairaient à leur fantaisie.
Sur une planète distante, l'enfant décida de satisfaire un de ses propres caprices et tissa sa première création : de délicates plantes, aux doux pétales colorés, emplis d'un parfum qu'Iname n'avait encore jamais senti. Bientôt, la planète éclatait de mille couleurs, couverte du pollen de centaines de milliers de fleurs. Ainsi, l'enfant devint le premier kami des fleurs. Iname était ravi.

Pour Iname, il était plus que son enfant : c'était une partie de lui. C'était le signe qui montrait à ses semblables qu'il n'était pas trop jeune pour trouver sa voie. L'enfant ETAIT sa voie, son but. C'était comme si l'univers, dans toute sa gloire, avait été créé uniquement pour qu'il façonne cette première étincelle de vie.

Il ne fallut pas longtemps pour que la présence du premier nouveau kami soit ressentie par ses frères et soeurs plus puissants. Tous les kami majeurs étaient fascinés par la création de cette chose nouvelle nommée "vie", et ils assiégeaient Iname de requêtes. Le kami de la rage infinie possédait à présent des êtres capable de combattre éternellement, puisque la mort n'existait pas encore. Le kami du feu purificateur avait des fidèles pour le vénérer et répandre sa gloire. Le Kami des vents témoins avait désormais quelque chose de nouveau à observer et à étudier. Le kami de la toile de vie pouvait ajouter sa tapisserie de création finement tissée, pour pouvoir un jour partager le fabuleux pouvoir de créer la vie. Et, bien sûr, le kami des confins de la nuit possédait des coeurs qu'il pouvait corrompre avec la voix du Néant.

Iname et son enfant revenaient sur la planète-jardin dès que cela leur était possible. A chaque fois, l'enfant avait de nouvelles idées et davantage d'enthousiasme. La surface de la planète foisonnait de fleurs, de bosquets et de lianes, changeant constamment de couleurs tandis que de nouvelles expériences menaient à de nouvelles créations. Un jour, Iname vit une étrange fleur rouge sang qui le frappa par son aspect particulièrement inhabituel. Il demanda à son enfant où il avait pu trouver l'inspiration pour confectionner une chose aussi bizarre.

"De mes explorations des contrées lointaines," répondit-il. "J'appelle cela une rose."

Iname fronça les sourcils. "Je ne savais pas que tu avais voyagé aussi loin. Qui plus est sans ma permission."

"Je pensais que cela te serait égal. Peut-être y retournerais-je. Il y a, bien plus loin, d'autres lieux que je veux explorer."

Bien après que l'enfant fut parti, Iname était toujours dans le jardin, les yeux rivés sur la rose, les paroles mélancoliques de l'enfant suspendues dans les airs. L'enfant apprenait vite, mais il n'avait pas encoré réalisé jusqu'à présent à quelle vitesse et à quel point. Peut-être même plus rapidement que la propre progression d'Iname. Cette simple pensée ébranlait son âme. Le kami de la vie médita jusqu'à la tombée de la nuit. Une voix lui murmura soudain quelque chose, une voix à peine perceptible, mais qui chuchotait avec malice. "Bientôt, l'enfant n'aura plus besoin de toi. Il partira de son propre voeu, et te laissera seul."

"Quelle idée ridicule", marmonna Iname. "La simple idée que mon enfant puisse m'abandonner..." Mais dès l'instant où cette pensée s'introduisit dans son esprit, elle s'y accrocha étonnament vite. "Le cas échéant, je peux en créer un autre", argua-t-il à personne en particulier sur un ton assuré.

"Bien sûr que tu le peux", sussurra la voix. "Mais celui-ci est ton premier enfant. Est-ce normal qu'il t'oublie ? Est-il juste qu'il soit aussi ingrat envers toi, son propre père ? Si j'étais toi, je serais blessé et outragé d'un tel manque de considération. Ne sait-il pas la douleur qu'il te cause ? Pourquoi n'y fait-il pas attention ?"

"Silence !" cria-t-il. La voix se tut pour le moment, mais il savait qu'elle reviendrait. Il tenta d'ignorer ses mots autant qu'il le pouvait. Il ne remarqua même pas la nouvelle couleur qui rampait sur les fleurs tout autour de lui : un brun sale qui flétrissait chaque pétale qu'il touchait.

Un jour, l'enfant vint à lui : "Père, puis-je te poser une question ?"

"Bien sûr, mon enfant. Que veux-tu savoir ?"

"Quel est mon but ?"

Iname songea à tout ce qu'il avait dû accomplir pour trouver son propre but, et se souvint du temps et de la distance qu'il avait dû parcourir avant de le trouver. Si l'enfant faisait de même, cela signifiait qu'il partirait pour des milliers d'années... Iname frémit à cette idée. "Ton but ? Mais, ton but est de rester ici avec moi, et d'être mon enfant. Comment pourrait-il en être autrement ?" L'enfant acquiesca et s'éloigna, mais Iname savait que cette réponse lui déplaisait.

"Tu vois ?" lança la voix.

"Silence !" lui répondit-il. Mais il savait bien qu'elle ne l'écouterait pas.

Deux fois encore l'enfant vint à Iname et lui demanda "quel est mon but ?". Deux fois encore Iname lui donna la même réponse : "Ton but est de rester ici avec moi, et d'être mon enfant. Comment pourrait-il en être autrement ?". A chaque fois l'enfant s'éloignait, plus mécontent que la fois précédente, et à chaque fois la voix se faisait plus présente, ricanant d'une joie moqueuse. Les efforts d'Iname pour imposer le silence à cette voix se réduisirent rapidement à presque rien. Il commença à s'y habituer, et même s'il essayait de se convaincre qu'il n'y prêtait aucune attention, une partie de son coeur écoutait toujours très attentivement ses paroles.

Les autres kami commencèrent à remarquer d'étranges modifications des formes de vie qui avaient été façonnées pour eux : auparavant emplies d'énergie mystique, elles commençaient à se fatiguer. Elle demandaient de quoi se sustenter, ce dont elles n'avaient jamais eu besoin auparavant. Et certaines se flétrissaient avec l'âge, comme si les fils de la toile de vie s'effilochaient à force d'être négligés. Mais lorsqu'ils en demandaient la raison à Iname, celui-ci se contentait de les ignorer.

Les absences de l'enfant étaient de plus en plus longues et fréquentes, et il refusait d'expliquer à Iname où il se rendait et ce qu'il y faisait. Iname voyait les talents de son enfant progresser à chacune de leurs rencontres. Il savait que ce n'était plus qu'une question de temps avant que l'habileté et l'imagination de son enfant, même dans un domaine aussi limité que l'était le sien, ne dépassent les siennes. Et ce, en une fraction du temps de ses propres voyages !

Le ressentiment commença à grandir entre leurs coeurs. Iname bouillait face à l'ingratitude de son enfant, et l'enfant se sentait pris au piège des exigences de plus en plus grandes d'Iname, pendant que la voix, à l'intérieur d'Iname, encourageait sa rancoeur envers lui. L'attention qu'Iname portait aux requêtes des autres kami diminua de plus en plus.
Il s'assit dans le jardin et fixa la prairie, tandis que son coeur devenait de plus en plus lourd et sombre. L'enfant était une fois de plus parti pour l'une de ses expéditions sans l'accord d'Iname. Sans sa présence, cet endroit autrefois doux et joyeux semblait froid et désert. Mais comme l'aura de l'enfant y demeurait malgré tout en son absence, Iname y restait.

"Je ne peux pas être égoïste", se dit Iname. "Après tout, je ne veux que le meilleur pour mon enfant."

"Pourquoi ne pas être égoïste ?" La voix intérieure murmurait du même ton bas et sifflant qu'à l'accoutumée. "N'as-tu donc aucune considération pour toi-même ? Après tout, c'est toi le père et c'est lui l'enfant. Ce que tu as créé, tu peux le contrôler." Il marqua une pause. "Et le détruire."

Iname déglutit. "Non. Je ne pourrais jamais..."

"Qu'est-ce que la vie sans le contrôle ?" demanda la voix. "C'est une chose chaotique, qui ne vaut pas mieux que les guerres de ton frère. Elle se répand partout, sans se préoccuper de ce qu'elle peut détruire dans son expansion égoïste. Ton enfant se comporte de la même manière. Il s'est à ce point drapé dans ses propres désirs et idées qu'il t'a oublié. Il se croit meilleur que toi parce qu'il a vu et appris davantage de choses que toi. Tu es le kami de la vie ! Qui est cet enfant ingrat, que tu as créé, pour se jouer ainsi de toi ? Il prétend à un pouvoir qu'il n'a pas ! Mais tu as ce pouvoir ! Utilise-le !"

"Si tu ne te tais pas", gronda-t-il, "je...je..."
Sa colère s'étrangla en lui lorsqu'il réalisa qu'il n'enrageait contre personne. Il n'y avait personne à affronter, personne à combattre, ni la voix qui le raillait, ni l'enfant qui l'avait dépassé si rapidement. Il n'avait personne sur qui passer sa rage, à part la vaste prairie de fleurs qui s'étendait tout autour de lui.
Un gouffre de solitude creusa le coeur d'Iname. Il dissimula et cultiva cette souffrance, plus encore qu'il ne l'avait fait pour son enfant. C'était une chose fort différente, froide et aiguë, mais il laissa cette sensation grandir jusqu'à ce qu'elle l'envahisse tout entier. Et tandis que cette immense solitude se déployait, elle trouva un exutoire dans les pouvoirs d'Iname.
Sous la puissance obscure qui émanait de lui, les fleurs se fanèrent. Ce qui avait été une prairie verdoyante et chatoyante de couleurs devint une plaine sinistre semée d'enveloppes vides et calcinées. Les pétales se décrochèrent, les tiges s'effilochèrent et les racines se changèrent en cendre. Iname ne se rendait compte de rien. Il ne sentait pas ses pieds écraser les roses flétries, ni leurs nouvelles épines mordre profondément sa peau, tandis que son passage réduisait tout en poussière. Il n'avait plus qu'une idée : trouver son enfant. Le ramener auprès de lui.

Ses recherches durèrent des siècles. Ses semblables étaient incapables de l'aider, et d'ailleurs, la plupart d'entre eux l'évitaient, fuyant son aura maléfique, mais il n'y prêtait aucune attention. Il retrouva finallement son enfant dans l'un des lieux les plus reculés de la création. "Viens", dit Iname, d'une voix qui fit trembler les montagnes. "Nous allons rentrer chez nous."

L'enfant frémit, mais campa sur ses positions. "Non, pas maintenant. J'ai quelque chose à te dire."

Le coeur d'Iname sembla geler sur place. "Quoi donc, mon enfant ?"

"Je m'en vais, père. Pour toujours."

Les mots qu'Iname redoutaient le plus avaient été prononcés, et la panique commença à éclore dans son coeur. "Non !" cria-t-il. "Tu ne peux pas !"

L'enfant sembla presque fléchir en voyant le désespoir de son père. Mais son coeur se raffermit rapidement. "Tu vois, père ? Tu veux que je sois ton enfant, et seulement ton enfant, pour toujours. Mais je ne le peux pas. Tu m'as trop donné pour que je puisse me satisfaire de cette condition. Ce sera mieux pour nous deux. Je pourrais trouver mon propre destin, et tu sera libre de créer un nouvel enfant. Ce ne sera pas aussi terrible que tu l'imagines ! Bientôt, je ne te manquerai même plus."

Mais les paroles de l'enfant n'atteignaient même pas l'esprit d'Iname, qui bouillait de peur et de haine. "Je ne le tolèrerai pas."

"Tout ceci ne te concerne plus, père. Cela ne concerne que moi, et ce que je dois faire." L'enfant lui tourna le dos. "Adieu."

"Non !" hurla-t-il. "Tu ne me quittera jamais ! Jamais !" L'enfant trembla sous la violence de la colère d'Iname, incapable de dire ou de faire quoi que ce soit. "Je te détruirai d'abord !"
Une salve d'énergie obscure jaillit de ses doigts et enveloppa l'enfant. Il hurla, implorant sa merci, mais Iname resta sourd à ses suppliques. Le corps de l'enfant se flétrit et s'effrita sous l'énergie noire, jusqu'à ce qu'il n'en reste plus que des cendres, rapidement éparpillées par les vents célestes. Pour la première fois depuis la création, un kami était mort.

Le pouvoir maléfique disparut aussi vite qu'il était apparu, laissant Iname pétrifié d'horreur, fixant l'endroit où se trouvait son enfant quelques instants plus tôt. "Qu'ai-je fait ?" murmura-t-il.

"Ce que tu as fait ?" demanda insidieusement la voix. Iname regarda autour de lui, et pour une raison mystérieuse, tout lui semblait plus clair que jamais. "Tu as fait ce pour quoi tu étais né : tu m'as donné la vie." A cet instant, un visage terrifiant apparut de nulle part devant ses yeux. Il était dentelé et tordu, hérissé de crocs luisants et de cheveux semblables à des lames de rasoir. Ses ailes de cuir étaient agitées d'une force indicible, son être résonnant tout entier d'énergie malfaisante.

"Qui es-tu ? Que m'as-tu fait faire ?"



"Je ne t'ai rien fait faire du tout", caqueta la chose diabolique. "Ces désirs et ces pensées ont toujours été les tiens. Je n'ai fait que les encourager. Et maintenant que tu as tué ton enfant, tu as donné naissance à une force nouvelle : la mort, la destruction de tout ce que tu as aimé. Et ce qui est le plus délicieux de tout, c'est que je suis, et que j'ai toujours été une partie de toi, Iname."

"Tu mens !"

"Je ne t'ai jamais menti, pas même lorsque je murmurais en toi, et je ne commencerai pas aujourd'hui. Mais réjouis-toi ! Je ferais de mon mieux pour être le meilleur des compagnons de voyage."

"Je te combattrai avec chaque parcelle de pouvoir qui est en moi", cria Iname, "je ne t'accepterai jamais !"

"Tu peux me combattre tant que tu veux", répliqua la chose avec une sourire affecté. "Mais pour ce qui est de m'accepter, tu n'as guère le choix en la matière."

Son regard descendit, et Iname le suivit des yeux. Ce ne fut qu'à cet instant qu'il comprit la gravité de la situation, dans toute son horreur. A l'extrémité de son corps s'en trouvait un autre, relié à lui aussi sûrement qu'un membre ayant toujours été là. Et ce corps appartenait à la chose qui se trouvait en face de lui. "Je te l'ai dit, j'ai toujours été une part de toi-même. A présent, chacun peut pleinement s'en rendre compte."

Iname tenta de poursuivre son travail, mais il était constamment hanté par l'ombre de la mort, toujours à l'affût à ses côtés. Dès que ses pensées devenaient sombres, ou ses motivations égoïstes, sa part négative prenait le dessus et déchirait avec une joie malsaine tout ce qu'il avait tenté de reconstruire. Bien sûr, il reprenait ensuite ses esprits, et créait encore davantage de vie qu'il n'en n'avait détruite. Mais il savait que l'autre serait toujours à ses côtés.

Ainsi débuta la lutte entre la vie et la mort qui continue jusqu'à ce jour.

***

Dosan marqua une pause. Ryo le fixait intensément, la mâchoire pendante; il fallut une minute entière au petit garçon pour réaliser que l'histoire était finie. Même Kenjiro semblait hypnotisé.
"Parfois," dit le vieux moine, "un parent doit penser à son enfant avant de penser à lui-même. Si Iname avait agi ainsi, sans doute les mortels n'auraient-ils pas à affronter la peur et l'angoisse de la mort. Mais dans son égoïsme, il n'a pensé qu'à lui, et a oublié que les conséquences de ses actes pouvaient être indépendantes de sa volonté. Il n'a pas pris en compte ce qui aurait été mieux pour son enfant, et cela lui a coûté cher. Ceci est peut-être difficile à comprendre, et plus difficile encire à accepter, mais cela doit être accepté." Dosan étendit le bras et ébouriffa la fourrure du louveteau. "Me comprends-tu, Ryo ?"

Le garçon se tut un long moment, le regard fixé sur le petit loup qui se tortillait entre ses bras. Finalement, il hocha la tête lentement. "Je crois que oui, maître Dosan." Quand il releva la tête, une nouvelle larme coula lentement sur son visage, mais cette fois-ci, il ne fit aucun geste pour l'essuyer. Il se releva. "Je crois que je me souviens de l'endroit où j'ai trouvé Kenjiro; peut-être que sa mère est revenue."

Dosan aquiesca. "Peut-être."

"Maître Dosan ?"

"Hmm ?"

"Qu'ont fait mes parents lorsqu'ils ont quitté leur maison ? A quoi pensaient-ils ? Qu'ont-ils laissé derrière eux ?"

"Je l'ignore. Pourquoi ne pas le leur demander ?"

Le garçon réfléchit un moment, puis acquiesca. "Je le ferai ! Merci, maître Dosan !"
Ryo bondit et disparut derrière le rideau d'arbres qui les entourait. Dosan se releva et ôta les brins d'herbe de ses habits. Il avait encore bien des choses à faire. Il était temps de commencer à prendre part au travail des vivants.

7 janvier 2007

Higure, le vent immobile

Le chant des criquets


Alexander O. Smith



Froides, les feuilles vêtues de vent
Tombent mortes, et des plaines d'automne s'élève
Le chant des criquets.

- Poème Haiku écrit par Fourrure de Neige, poète kitsune.


Il fit glisser son regard le long du mur de pierre de grès, surmonté de tuiles rouges que la lumière de la lune faisait paraître d'un brun terne. Ca et là, du lierre rampant venant de la forêt s'était accroché au mur, et il avait grimpé au fil des années, à la recherche des petites irrégularités naturelles qui grêlaient la pierre et des fissures créées par la pluie et le vent, passant entre les tuiles et s'introduisant jusque dans le verger si bien entretenu.
Il prit appui sur le mur avec ses chaussures tabi de feutre noir, attachées entre ses orteils, et se laissa tomber vers les vignes en contrebas. Il sauta aussi silencieusement qu'un hibou quittant son arbre pour partir en chasse. A cet instant, un criquet commença à chanter, et ses élèves deshi s'élevèrent pour le suivre, d'une douzaine d'endroits au pied du mur, depuis le long des pierres jusque sous les rameaux des pruniers. Ils étaient ses disciples, il avait entraîné chacun d'entre eux depuis leur enfance et aujourd'hui, chacun d'entre eux vivait en continuité de sa propre volonté. Ils étaient des ombres dans la nuit, pas plus solides qu'un reflet dans un verre d'eau; leur évolution dans les airs imitait le mouvement des joncs, leur pas était plus silencieux encore que celui d'une souris dans les prairies.
La villa était clairement visible derrière les arbres noueux et dépouillés. C'était la résidence d'été d'un riche marchand samouraï qui avait profité de l'emplacement idéal de son commerce, en bordure de la route qui s'étendait entre les hauts murs du château d'Eiganjo  et les bibliothèques de Minamo. Depuis le début de la guerre, il avait été forcé d'abandonner son commerce et vivait ici, reclus, avec une petite suite de gardes et son seul héritier du nom de Kio. Higure avait lu tout ceci dans un parchemin qu'il avait détruit dans le feu de camp de la nuit précédente. Il avait brûlé les mots, changeant leur signification en cendres, et cette nuit, il allait tuer jusqu'au dernier humain qui vivait dans ces murs, et finir ce qu'il avait commencé. Dans trois jours, un officiel arriverait, escorté par des Chevauche-phalène d'Eiganjo, pour demander au noble de faire don de ses réserves de riz pour l'effort de guerre, et il ne trouverait qu'un inextricable puzzle morbide dans la villa. De ses mains tremblantes, il examinerait les corps, et malgré les traces évidentes de violence, il ne pourrait trouver aucun indice. Quels indices pourraient en effet laisser des ombres bleu-gris et le reflet de l'acier sous la lune ?
Higure vérifia le tissu noir d'encre qui cachait son arme, et avança vers le mur intérieur de la propriété. Un vent léger soufflait sur la route près du pont qui conduisait à la villa, agitant la flamme des torches et faisant trembler la faible lumière qui se répondait à travers les rameaux du verger désert.

* * *

Le vent avait toujours été capricieux dans la vallée où il était né, à l'ombre des plus hauts pics des monts Sokenzan. Même aux plus beaux jours de l'été, les nuages pouvaient se mouvoir haut au dessus des montagnes, soufflant une brise désagréable le long du glacier de Johyo, une brise qui faisait claquer les drapeaux du festival et frissoner les feuilles vert-doré des arbres gingko, en une anticipation de l'arrivée de l'automne. Il se souvenait... Entre les étals de gâteaux de riz et les murs noircis de suie du quartier marchand, il s'accroupissait et attendait que le vent cesse, une main serrée sur le châle jaune qui recouvrait le panier de pommes qu'il avait apporté pour sa mère. Dans le marché, le colporteur s'arrêtait de chanter et se renfrognait lorsque le sable des rues passait en tourbillonnant. Un peu plus loin, dans l'embrasure d'une porte, le vendeur de thé marquait une pause, avant de servir une nouvelle tasse avec un sourire. Le froid était bon pour les affaires, même si la guerre l'avait amené au bord de la faillite.
Deux mois plus tard, un soir d'automne venteux, le vendeur de thé serait tué par un arc de lumière verte venant du ciel sans nuages.


Le vent avait également soufflé la nuit où les kami envahirent le village et massacrèrent sa famille et tous ceux qu'il avait jamais connus. Il se souvenait particulièrement bien de cette nuit.
Depuis sa cachette, sous le plancher disjoint de sa maison, il pouvait entendre le vent déplacer les morceaux brisés du shoji, qui allaient depuis la véranda jusqu'à la pièce de réunion. C'était là que la chose qui mangeait la lumière avait renversé les minces écrans de papier et dévoré sa soeur, tandis que son père brandissait le tisonnier, celui qui avait ravivé le feu pour le dîner, une heure à peine auparavant. Il l'avait très bien vu - une masse de tentacules noirs, dotée d'un bras tordu, avec une fourrure semblable à celle d'un singe, et étrangement petite. La chose utilisa la longue épine d'ébène qu'elle portait pour jeter le tisonnier au sol, et piqua profondément son père à l'épaule. L'épine devait être incroyablement brûlante, car il entendit un puissant grésillement au moment où le coup portait, et le sang de son père s'évapora de la plaie en un nuage de fumée.
Il avait tenté de rattraper le tisonnier tombé à terre, et qui roussissait les tatamis - mais son père lui avait hurlé de courir, de se cacher, et c'est ce qu'il avait fait.

* * *

Le mur intérieur était bien entretenu, délivré du lierre d'été par un jardinier un peu trop zélé. Mais trop haut pour que Higure puisse atteindre son sommet. Il plaça son ninja-to contre la base du mur, la lame vers le bas, et s'appuya dessus comme sur une échelle, attrapant le sommet du mur d'une de ses mains gantées. Il coinça l'épée entre ses pieds et la saisit de l'autre main, puis se hissa sur le mur, avant de se laisser tomber sur le chemin qui était à son pied, de l'autre côté.
A dix foulées de Higure, une sentinelle portant un casque de bambou vert était effondrée, formant un angle anormal, contre le mur extérieur. Ses yeux étaient ouverts, regardant inutilement quelque chose d'imprécis dans l'obscurité. Du sang gouttait lentement de la hampe laquée de noir d'une flèche qui s'était plantée dans sa nuque jusqu'à l'emplacement exact des cordes vocales, lui déniant jusqu'au droit de crier à l'instant de son dernier souffle.
Les doigts de Higure se portèrent à la garde de son épée, recouverte d'un cuir poli par l'usage jusqu'à présenter une couleur bleu nuit. C'était étrange de ne pas avoir à s'en servir maintenant, pour se frayer un passage dans cet endroit infesté de gardes. Il savait que jusqu'ici, il n'était qu'un sinistre observateur du travail de mort de ses deshi. Et c'était mieux ainsi. Ils se chargeraient de ces distractions. Son travail à lui commencerait plus loin dans la propriété, dans le hall, au deuxième étage, et dans la chambre des lotus.

* * *

Lorsqu'il était un petit garçon, il était déjà doué pour se cacher. Il était toujours le dernier à être retrouvé lorsque les enfants jouaient au jeu des oni durant le festival des masques. Les jours où il n'avait aucune course à faire, il marchait jusqu'à la rivière glacée qui courait entre les montagnes, et il rampait derrière les pêcheurs pour voler leurs appâts, en les remplaçant par des feuilles détrempées, de manière à ce qu'ils croient que c'était les esprits kappa qui vivaient entre deux eaux qui les avaient dérobés. C'était un jeu dont il ne se lassait jamais, et même en ces instants tragiques qu'il avait passés sous le plancher de la maison, il aurait voulu ne pas être là, accroupi dans l'obscurité, pendant qu'au dessus de lui, les kami festoyaient sinistrement aux dépens de sa famille. Il aurait dû être à la rivière. Il n'aurait pas dû avoir à se cacher des kami, les esprits qui faisaient tomber la pluie et qui permettaient au riz de pousser dans les champs.
Il se souvenait que, quand il était tout jeune, les gens de son village descendaient le chemin qui serpentait entre les champs, jusque dans la forêt de cèdres, où un petit temple voûté se tenait contre le plus vieux et le plus sacré des arbres.
C'était là qu'ils déposaient un gâteau de riz pour les kitsune  qui entretenaient le temple, et une petite pièce de cuivre découpée d'un trou au milieu pour les kami. Il était important que la pièce fut ronde, pour que les kami acceptent l'offrande et donnent leur bénédiction sous forme d'une bonne récolte en retour. Ils venaient toujours en cercle, et repartaient vers les cieux. Il avait essayé de chercher dans les traîtres chemins de sa mémoire s'il y avait eu une seule fois où il avait oublié de donner la pièce, ou négligé d'apporter suffisamment de gâteaux de riz. D'une certaine manière, il savait que c'était de sa faute si les kami étaient venus. Il aurait dû sortir de sa cachette et venir à leur rencontre. Il aurait dû s'offrir en sacrifice aux kami pour qu'ils épargnent les autres. Mais il avait vite compris qu'il était déjà trop tard pour cela, et il resta recroquevillé sur lui même, attendant, misérable et seul.

Quand les premières lueurs de l'aube rampèrent sous les fondations de pierre, lui faisant savoir que cette nuit de terreur avait pris fin, il se glissa hors de sa cachette et ne s'arrêta de courir qu'en atteignant les terres extérieures de la ville. Et tandis qu'il courait, il vit des corps. Il n'avait jamais appris de nombre assez grand pour quantifier le nombre de cadavres qu'il voyait. Pire, il se rendit bientôt compte que les morts étaient les malheureux que les kami avaient épargnés dans un premier temps. Les vivants n'étaient pas moins à plaindre. Il les voyait recroquevillés, gémissants, leurs habits en lambeaux, leurs regards vides, et probablement l'esprit empli de cauchemars qui y plantaient leurs griffes. Il ne vit rien des kami, jusqu'à ce qu'il aperçoive quelque chose qui ressemblait à un chien, et qui dévorait les cadavres qui s'étaient accumulés dans un fossé non loin de la ville où l'eau ne coulait qu'à la saison des pluies. Au lieu de fourrure, la chose était couverte de crânes humains. Celui qui se nommerait bien plus tard Higure déglutit péniblement, et l'un des crânes tourna son regard vide dans sa direction. Sa mâchoire s'ouvrit, et il parla avec la voix de sa mère : "Viens, mon petit moineau" - elle l'avait toujours appelé ainsi - "J'ai gardé ton petit déjeuner. Viens manger." Ce fut l'instant où il sut qu'il fallait partir. Ce fut seulement bien des années plus tard, alors qu'il était étudiant au Temple du Parchemin Noir, qu'il passa à nouveau une nuit sans se réveiller couvert de sueur froide, son coeur battant à sortir de ses côtes, et le terrible goût de la mort dans la bouche.

* * *

Higure évoluait silencieusement sous les branches torturées des pins de la cour intérieure. Il s'arrêta un instant et observa les fils de cuivre solidement attachés, et les barres métalliques habilement placées qui liaient les branches des vieux arbres, les tourmentant jusqu'à les forcer à prendre des formes qui avaient, un jour, semblées tout à fait naturelles et même bien plus parfaites que tout ce que l'on pouvait voir dans la nature. Le ninja, se dit-il, n'est pas si différent de l'artiste qui s'occupe des bonsaï. Tous deux manient des lames tranchantes, et modèlent la vie selon leurs désirs. Les branches de l'arbre sont comme les disciples du jardinier. Il entraine certains d'entre eux, il les soigne, et il leur donne la forme la plus parfaite possible. Il taille les autres, coupant la vie lorsqu'elle ne correspond pas aux voeux du client. Mais travailler sur un arbre pendant tant d'années - Higure manquait de patience pour cela, et il avait déjà trop attendu. D'ailleurs, il s'était trop attardé en ce lieu. Le cri d'une grive nocturne s'éleva entre les dépendances de la villa, et le maître ninja glissa dans la nuit. Il franchit un étang ornemental en passant sur un pont de pierres. Ce pont montrait lui aussi toute l'exquise habileté du jardinier. Chacune des pierres avait une texture différente sous ses pieds, mais elles étaient taillées de manière à être étroitement reliées les unes aux autres comme les vers d'un poème : tous uniques de caractère, mais d'une forme qui suggérait le vers suivant et y conduisait tout naturellement.
Il courut plus rapidement sur le second pont, plongeant à travers une porte ouverte dont l'arche de bois était sculptée d'un motif complexe. Il connaissait ce motif, il le sentait sans pour autant le voir réellement. Il s'agissait d'un paysage : des rizières qui s'étalaient sous un soleil semblable à une chrysanthème, le symbole de la maison des marchands de Nitta - pendant longtemps alliés du clan de Konda, et à présent ses meilleurs appuis dans la guerre contre les kami. Il était désagréable de penser que la marque de la mort allait frapper l'un d'entre eux - mais la discipline mentale que s'imposait Higure tua cette pensée au sein de son esprit avant même qu'il ne commence à y réfléchir davantage. Des mots écrits longtemps auparavant sur un parchemin s'imposaient à lui. Cette fois-ci, il n'y avait ni motif, ni client, ni mission. Il y avait juste une chose qui devait être accomplie.

* * *


"Ceci," dit maître Kagero, caressant sa longue barbe grise alors qu'il s'éloignait pour montrer à ses étudiants un unique kanji noir dessiné sur le parchemin, "est le nin. C'est le shinobi, celui qui marche dans la nuit. C'est le ninja, celui qui endure." Il indiqua le sommet du kanji. "Voyez comme cette épée descend... jusqu'ici." Sa main traça le dessin stylisé d'une épée, qui semblait commencer vers la petite tache de sang qui formait le sommet du kanji, et descendait le long d'une étrange courbe, jusqu'à trois points qui semblaient symboliser un coeur.

Le jeune garçon était assis avec trois autres enfants dans la pièce de thé, qu'ils utilisaient comme salle de lecture pour les leçons de calligraphie. Les autres enfants étaient plus âgés que lui, et, pour la plupart, ils préféraient les autres sortes de leçons - où ils devaient courir à travers les roseaux comme des gazelles, évoluer au dessus des joncs comme des araignées d'eau, et envoyer des shuriken vers les libellules en vol pour exercer leur tir. Maître Kagero se tenait là, son pinceau imprégné d'encre noire dans sa main noueuse, et les regardait fixement. Au dehors, une cigale paresseuse bourdonna bruyamment dans la brume de l'été. Sh-sh-sh-shhhh... Le maître marqua une pause, puis sourit. "Leçon suivante !"
"Qu'est-ce que cela signifie, maître ?" Les mots jaillirent de sa bouche avant qu'il ne puisse s'en empêcher. "Pourquoi l'épée coupe-t-elle le coeur ? Qui doit endurer quoi ? Seraient-ce nos ennemis qui doivent endurer la douleur de la mort par l'épée, ou bien est-ce nous qui devons endurer l'âpreté de notre entraînement..." Il vacilla. Maître Kagero jeta son pinceau dans un angle de la pièce où il resta planté, enfoncé à mis chemin dans le mur d'argile, et il sortit de la pièce. Les trois autres regardèrent le garçon, stupéfiés qu'il ait eu l'audace de poser une question, mais avant que l'un d'entre eux puisse parler, le maître revint, brandissant un bâton. C'était la perche que les plus jeunes disciples utilisaient pour dégager la route qui passait devant le temple du fumier laissé par les animaux qui tiraient les charettes du village. Il coinça l'extrémité crasseuse de la perche entre les côtes du disciple. Celui-ci grogna, étouffant un cri de douleur. "Qu'est donc ceci ?" cria maître Kagero.

"Une perche à fumier, maître ?" glapit l'élève.

"Très bien, maintenant, dis-moi ce que cette perche à fumier signifie ?"

Tout était silencieux. La cigale recommença à chanter depuis son perchoir de feuilles. SH-sh-sh-shhh... Le son se fit traînant et le maître jeta au dehors un regard insistant, comme s'il attendait que le petit insecte se taise. Puis il gromela, et jeta la perche par la fenêtre. "Renvoyé." Il marcha jusqu'à la porte ouverte, s'arrêta et se retourna pour regarder l'endroit où les élèves étaient assis, tremblants. Puis il parla, la voix emplie d'une profonde tristesse : "c'est à toi seul de trouver le sens."

Ce fut trois ans plus tard, lorsqu'il était un jeune homme, qu'il comprit la première partie de ce à quoi maître Kagero avait fait allusion en ce jour d'été. Il marchait le long d'un sentier moussu dans les collines boisées au nord de la route d'Eiganjo, sous l'apparence d'un vendeur de papier itinérant. Il portait un manteau vert et transportait un lourd sac empli de papier de riz huilé, d'outils de découpage, et de fibre pour fabriquer d'avantage de papier si jamais il parvenait à vendre tout son stock. L'intérêt de ce déguisement était double. D'une part, il permettait de rassembler des informations sur la manière dont les marchands aidaient ou abandonnaient Konda dans la guerre contre les kami. D'autre part, et c'était ce qui était le plus important, il devait s'entraîner à être un marchand de papier. "Un fou peut marcher le long des routes avec la tenue d'apparat d'un empereur, mais même le mendiant aveugle saura qu'il s'agit d'un fou," disait maître Kagero. "Quand tu pourras te tenir devant moi, avec ton ninja-to dans la main, avec ta tenue gi, et malgré tout marcher comme si tu transportais des rouleaux de papier dans ton dos, alors tu pourras revenir." C'est pourquoi il était un vendeur de papier, et plus tard, il serait peut-être un forgeron, ou un samouraï, ou une tisserande, selon la fantaisie de son maître.
Il continua le long du chemin, ses pieds s'en fonçant dans la boue et les feuilles détrempées par l'eau d'un ruisseau proche, qui avait dû déborder suite aux dernières pluies. Il pouvait entendre le chant joyeux de l'eau courante qui s'élançait entre les arbres, et son esprit se prit à vagabonder bien loin du lourd sac qu'il portait sur ses épaules. Le sentier bifurqua entre deux grands rochers couverts de mousse et menait à un petit pont de bois qui enjambait le courant. Le jeune homme s'aventura avec méfiance sur les planches mouillées - et ce fut à mis chemin qu'il la remarqua.

Une femme se baignait sous le pont, là où le ruisseau s'élargissait en formant un bassin plus calme, juste avant de s'enfuir vers le torrent rocailleux en contrebas. Elle ne l'avait pas vu. Craignant à moitié qu'elle ne fut une sorte de kami des rivières  l'attirant à la mort, il revint vers la rive et se dissimula dans l'ombre d'un des rochers.
Depuis son nouvel abri, il apercevait de profil, et son coeur bondit entre ses côtes. Il n'avait encore jamais rien vu d'aussi beau. Ses bras étaient pâles et minces. Elle avait de hauts sourcils peints, caractéristiques de la noblesse, et des lèvres teintes avec de l'indigo. Ses yeux étaient plus clairs que l'eau des glaciers des montagnes de Sokenzan, ses joues avaient la couleur des fleurs de prunier sous le soleil printanier. Si elle n'était pas un kami, pensa-t-il, elle devait être la fille d'un marchand qui vivait dans une grande propriété le long de la route, et elle était venue ici pour se baigner au calme. Tandis qu'elle nageait, chacun de ses gestes lui semblait composer une danse gracieuse, et il dû la contempler durant ce qui lui parut être une éternité, avant qu'il ne revienne à lui à contrecoeur. Soulevant son sac une fois de plus, il quitta discrètement les abords du ruisseau. Ce fut dans les semaines qui suivirent, lorsqu'il passait chaque instant de ses journées l'esprit consumé par son souvenir, qu'il comprit le sens du caractère nin - celui qui endure. C'était le coeur qui devait endurer la séparation d'avec les autres humains. Il n'aurait jamais de femme ni de famille. Il ne connaîtrait jamais d'autre communauté que celle du temple. Et plus que tout, il ne pourrait jamais l'avoir elle - et c'était cette idée qui coupait son coeur comme une épée.


Le fer de la lance d'un garde de nuit étincela à sa gauche tandis que Higure sautait par dessus la grille de la veranda du hall principal. La suite de la résidence était à présent en alerte - les sentinelles manquantes avaient été remarquées. S'aplatissant contre le mur, il plongea dans sa poche à la recherche d'une petite sphère. Il la tira de sa cachette, tournant l'amorce qui était à l'une des extrémités. Le silex et le salpètre grincèrent et la sphère émit immédiatement une épaisse fumée noire. Il la jeta dans la direction de l'endroit où les gardes avaient émergé dans la cour. Il y eut un flash silencieux et la fumée envahit l'air ambiant, comme un morceau de nuit véritable où nul clair de lune ne pouvait pénétrer. D'autres lames étincelèrent tandis que ses deshi semblaient glisser hors de l'air lui même et tomber sur la sentinelle aveuglée. Trois paires de mains saisirent le corps du garde avant que son armure ne cogne bruyamment contre la fine allée de gravier. Tout se déroula avant que la sentinelle n'ai eu le temps de pousser un seul cri. Higure se retourna et poussa l'écran de papier de la véranda, avant de disparaître dans le hall.

* * *

Le jeune homme avait grandi. Il avait déjà pris vingt deux autres vies. Certaines étaient humaines, comme lui, d'autres étaient celles de kitsune, d'autres encore de gracieux soratami. Tous tombaient sous sa lame, et à chacun de ses succès, il recevait un nouveau deshi qui le suivait et apprenait à ses côtés. Il avait désormais sa propre dépendance, un bâtiment satellite du Temple à l'origine, mais qui gagnait en influence à chaque nouvel élève qui le rejoignait. A cette époque, il enseignait à davantage d'élèves que maître Kagero n'en avait jamais eu. Pour des raisons pratiques, il s'arrangeait personnellement avec ses clients, et c'est pourquoi il reçut avec surprise une convocation, encrée de la main familière de son maître. Mettant ses affaires en ordre et annulant les leçons du jour, il se rendit immédiatement au temple.

Le jour blêmissait déjà lorsqu'il arriva aux jardins du temple. L'étang où il avait jadis appris à marcher sur les roseaux était aussi immobile qu'un miroir d'acier, reflétant la lumière rougeâtre du soleil couchant. L'endroit semblait désert - un temple deux fois abandonné aux dieux. Un peu plus loin, un coup de gong résonna doucement dans le crépuscule, comme s'il était le seul son à se faire entendre en ces lieux. L'homme avança, passant à travers le portail, puis entre les arbres au parfum de cèdre et le bois de pawlonia, lent à pourrir, qui était souvent utilisé pour bâtir les temples, ainsi que le bois sacré de catalpa, qu'on employait autrefois pour attirer les faveurs des kami depuis les cieux, mais qu'on utilisait à présent pour détourner leurs cruautés vers d'autres cibles.
Il s'arrêta, analysant l'air qui l'entourait. Puis il entama ce qui semblait être une sorte de danse étrange et solitaire, mêlant ses mouvements aux bruits du crépuscule et au vent qui soufflait entre les feuilles. Les battements de son coeur ralentirent pour faire écho aux légers coups de gong. Il ne fit qu'un non seulement avec le son du gong, mais aussi avec tout ce qui l'entourait dans le hall du temple. Après quelques instants de cette étrange danse, il parvint à atteindre la porte du hall, exécutant chacun de ses gestes en harmonie avec le monde autour de lui. Il fila vers l'embrasure lorsqu'un coup de vent passa dans le jardin, puis s'arrêta en même temps que lui... et un reste de rayon de soleil passa à travers les arbres de la colline, à l'ouest, apportant une brise crépusculaire.

Rapidement, il se jeta à travers l'embrasure de la porte. Le gong doré était suspendu au milieu du hall, se balançant doucement, le son du dernier coup de marteau résonnant encore dans les airs. Mais nulle trace de celui qui avait dû manier ce marteau. Le visage du ninja se tordit sous la déception, maudissant la traîtrise du vent et son propre échec.

"Il est facile d'être invisible, comme les kami", dit une voix familière. "Ils arpentent le voile qui sépare les mondes. Il suffit de poser un pied de l'autre côté, dans le kakuriyo, pour disparaître aux yeux des mortels. Un pied de notre côté, le utsushiyo, et tu es l'un des nôtres." Eclatant de rire, maître Kagero se laissa tomber des chevrons du plafond où il s'était perché, avec la grâce d'un esprit kumo. "Savais-tu, Higure, que certains kitsune se sont entraînés à sentir les kami ? Oui, même les dieux ont leurs points faibles. Laisse donc aux kami leurs voiles d'invisibilité. Il est bien plus ardu d'être invisible tout en étant dans notre monde."

C'était une leçon qu'il avait déjà entendue de nombreuses fois, mais son maître avait cette fois-ci dit une chose étrange. "Higure ?"

"Oui, Higure... le crépuscule... c'est ton nom, à présent, car tu es venu à moi le soir, au moment où la lumière du soleil disparaît et nous égare."

"Mais seul un maître ninja peut..." Soudainement, la réponse à sa question lui apparut, et sa phrase resta en suspens.

"Tu es un maître à présent." Maître Kagero se redressa, prenant une pose plus solennelle. "Je t'ai nommé Higure, mais je t'ai également nommé 'le Vent Immobile' car c'est ce que tu as été lorsque tes pas se sont portés vers moi, dans l'embrasure de la porte, même si la brise du crépuscule volait autour de toi. Remercie ta bonne étoile que je ne sois pas ton ennemi. N'oublie jamais que tu n'es qu'un mortel, Higure."

Les épaules du maître Kagero s'affaissèrent, et pendant un instant elles semblèrent porter le fardeau du temps qu'il avait jusque là réussi à esquiver, et qui le rattrappait à présent. "Nous avons un nouveau client," dit-il en traînant des pieds jusqu'à son bureau contre le mur, et prenant un rouleau de parchemin, dentellé de manière exquise. Par dessus l'épaule de son maître, Higure aperçut l'écriture argentée et gracieuse caractéristique de la calligraphie des habitants des nuages. Il se demanda lequel des soratami voulait la mort de quelqu'un, et pourquoi, mais il avait grandi depuis le jour où il avait si stupidement posé des questions à son maître, et il garda le silence. Maître Kagero enroula rapidement le parchemin et lui fit face. "Tu vas devoir retourner dans les collines."

* * *

Higure glissa silencieusement le long de l'escalier étroitement enroulé sur lui même, jusqu'à atteindre le couloir qui s'étendait le long de la chambre des lotus, où les nobles de la villa résidaient, lorsqu'ils n'accueillaient pas un invité de marque dans le hall d'en dessous. Un écran de papier se déplaça, et Higure se plaqua contre le mur, écoutant attentivement la voix qui venait de l'intérieur.
"Non, Kio, je t'ai dit que tu étais en sécurité ici, et ici tu demeurera." Il y eu une pause, puis la voix poursuivit, plus doucement. "Je suis ton père et tu dois m'obéir." Higure se déplaça légèrement pour apercevoir l'homme qui parlait dans la chambre des lotus. "Ne t'inquiète pas", disait-il, tandis que ses mains tâtonnaient pour attacher la courroie de cuir de son lourd casque d'acier, "ils sont probablement en train de jouer ou de parier dans le verger, comme toujours. Je vais voir ce qui se passe et je reviens tout de suite."
L'écran de papier se referma, et l'homme se dirigea vers le hall en marchant lourdement, passant à moins d'une largeur de main de l'endroit où se tenait Higure. Le marchand samouraï Nitta descendit les escaliers avec un étrange boîtement, comme s'il se servait davantage de sa jambe droite que de la gauche - sans doute une vieille blessure. Sortant de sa cachette, Higure fit glisser l'écran de papier qui fermait la pièce.
Il entra en contrefaisant une démarche lourde, le boïtement de sa jambe droite si semblable à celui du samouraï Nitta qu'il était impossible de percevoir une différence. Dans un angle, un brasero de charbon baignait la pièce d'une lumière brumeuse, mais suffisament sombre pour que la ruse d'Higure fonctionne, et le fils du noble, habillé d'une robe pourpre, leva les yeux vers l'endroit où il se trouvait. Non, pas son fils - sa fille. La peau d'une pâleur de neige. Les hauts sourcils peints, les lèvres peintes en indigo, les yeux plus clairs que l'eau des glaciers et les joues couleur de fleur de prunier - tout comme la jeune fille qui se baignait dans la rivière tant d'années auparavant. C'était elle.

L'esprit de Higure se mit à bouillir. Il entendit des voix - un enfant, un jeune homme, un adulte à l'intérieur de lui, qui voulaient être écoutés. Puis, une autre voix, la voix de la sagesse qui lui avait donné une leçon un beau jour d'été. "C'est à toi de trouver le sens." Et soudain, il comprit le sens du kanji. L'épée que maître Kagero avait dessinée sur ce parchemin si longtemps auparavant était la sienne, et le coeur dessiné était le sien. Il avait quelque chose à accomplir.
Lady Kio se leva, réalisant seulement que quelque chose n'allait pas à l'instant où elle vit la lumière se refléter sur de l'acier nu. "Vous n'êtes pas mon père," murmura-t-elle, d'un voix aussi froide que l'eau dans laquelle elle s'était baignée jadis. "Mon père était un guerrier qui luttait sur le champ de bataille - un véritable homme. Vous n'êtes pas un homme."
"Non", répondit Higure. "Je suis un ninja."

Un cri se répercuta à travers les salles de bois lambrissé. A la lumière ambrée d'un brasero renversé, une trainée pourpre se répandit sur l'indigo et le sol de tatami de la chambre du lotus. Dans la nuit plus épaisse que jamais, la lune pesait lourdement sur la toile du ciel. Et le seul son qui était donné d'entendre était le chant des criquets.
Puis, finallement, eux aussi se turent.


6 juillet 2006

Histoire d’une Orzhov

"Je me souviens d’avoir été fière de ne pas avoir crié quand ces sous-fifres de Rakdos m’ont attrapée et m’ont passé la corde au cou. Car quand le nœud serait serré, ma vie allait prendre un nouveau tournant.
Evidemment, puisque j’allais mourir. Mais je me suis souvenu de mon allégeance aux Orzhov, et su que seul mon corps pouvait être tué. Ma vie prenait un tour nouveau, mais pas celui auquel je me serais attendue.
Dire que toute sa vie peut défiler devant les yeux d’une personne qui va mourir est un très vieux cliché. Sans doute, mais c’est exactement ce qui m’est arrivé quand les partisans du démon m’ont pendue. Cela peut paraître bizarre qu’une petite fille de quatorze ans puisse être aussi lucide et pensive dans un moment aussi traumatisant. J’étais très jeune, mais cela fait 126 ans que je médite sur cet événement.

Je me souviens avoir d’abord pensé à l’importance de mon affiliation. Puisque j’étais une Orzhov, je n’allais certainement pas agir comme un de ces pleurnichards du Conclave au moment de ma métamorphose. Et je n’allais pas non plus laisser ces grotesques Rakdos me perturber avec leurs rires hideux et leurs rengaines de psychopathes juste au moment où j’arrivais dans le monde des Esprits. Un Orzhov est trop bien élevé pour ça. « Tu ne peux pas lutter contre eux, Emilya », me suis-je dit. « Par contre, tu peux leur montrer la noblesse d’une guilde supérieure. » Secrètement, dans un recoin de mon esprit, je savais qu’il s’agissait d’une forme de vengeance morale, et cette idée me réconforta quelque peu.
Les Orzhov n’apprécient guère ceux qui brisent les contrats, souillent le terrain des autres guildes, ou portent atteinte à leurs membres haut-placés. Evidemment, je faisais seulement partie de la population Orzhov, mais ils ne manqueraient certainement pas de venger la mort d’une innocente petite fille de la main de la guilde démoniste. Dans les basiliques, les Pontifes allaient enrager (comme toujours), et les ostiaires se traîneraient jusqu’à la congrégation en collectant des fonds pour l’expédition punitive. Les ghildmages allaient-ils remettre les Rakdos à leur place ? Tout ça n’était qu’un rêve, mais les anges allaient-ils fondre sur eux, avec leur visage de pierre et leurs yeux de verre ? J’ai toujours aimé les voir monter la garde durant les grandes cérémonies –sombres et distants, comme s’ils étaient trop terribles et trop beaux pour ce rôle. Ils étaient ce que je voulais être. Et je que j’allais peut-être devenir, ici, dans les griffes des Rakdos.


Je me suis concentrée sur l’image de notre Cachet quand la douleur et les rires commencèrent à devenir trop éprouvants pour pouvoir rester stoïque. Ce symbole était parfait, comme notre guilde – sombre, puissant, mais aveuglant comme le soleil. Un peu comme les anges, qui descendent aux moments les plus affreux pour délivrer le monde de ceux qui sont indignes de leur lumière. Leur colère pourrait-elle se déchaîner contre les Rakdos ? Etais-je digne d’une aussi sainte récompense ? Je me suis alors souvenue de ma prière préférée – celle que l’on dit lorsque l’on place des pièces sur le plateau des Ostiaires :
« Nous sommes l’or précieux. Avec nous Orzhova brillait. Avec nous elle brille plus fort. »
Je me croyais digne d’être accueillie parmi le Conseil. Je pensais qu’ils le feraient pour moi, comme pour les autres, comme ils le disaient dans les sermons, à l’église. Nous étions « l’or précieux ».
Voici ce à quoi je pensais au moment où ma vie s’échappait vers la terre, au dessous de mes pieds pendants. J’étais forte. Les Patriarches seraient fiers d’accueillir une autre Sœur d’Orzhova, une qui ne ploierait pas sous les menaces d’une guilde moindre. Même en étant sûre que mon corps était en train de souffrir, ma fierté augmentait et mon dédain pour les Rakdos éclosait à mesure que je les regardais faire ce que d’autres guildes infectes font aux innocents.


Ma famille et moi étions fidèles à l’Eglise. Nous payions nos donations, allions à la Basilique pour régler les taxes et pour écouter la messe, et contribuions régulièrement à l’enrichissement des fonds de la guilde. Nous nous comportions comme le véritable « or précieux ». Orzhova brillait grâce à notre dévotion. Les gargouilles nous protégeaient car nous avions la foi. Le Démon restait confiné dans les sous-sol grâce aux rituels des Pontifes. De quoi aurais-je pu avoir peur – même maintenant, au bord de la mort et au bout de la corde ?
Mourir fut une expérience très différente de ce que j’aurais cru. Je ne sentais plus rien – du tout. C’était aussi banal que de marcher du salon à la cuisine. Par contre, juste avant ce changement imperceptible, je me souviens avoir regardé toute la scène comme y étant tout à fait étrangère. Il y avait ces idiots de Rakdos, paradant comme des décérébrés, ne faisant même plus attention à moi, mais aussi quelques créatures bizarres aux alentours. Des srânes. Que faisaient-ils ici ? Se cachaient-ils ? Attendaient-ils quelque chose ?
Au tout début de mon après-vie, je n’ai plus prêté aucune attention aux srânes. J’étais encore trop aveuglée par ma fierté pour y prêter quelque intérêt. Mais ce détail allait se révéler décisif par la suite.

 

Le changement n’était pas non plus celui auquel je me serais attendue. Pas d’autres fantômes, pas de grande révélation, pas de paradis ni quoi que ce soit de ce genre. Le monde était juste devenu une version brumeuse et changeante de la cité de Ravnica. Je me souviens avoir entendu des enfants errants plaisanter à propos d’un endroit nommé Agyrem. Une ville fantôme. Cela sonnait trop banal pour être vrai – et personne n’en parlait jamais officiellement. Mon esprit commençait à s’embrouiller. Etait-ce Agyrem ? Si c »était le cas, pourquoi les Orzhov n’en avaient-ils pas parlé ? Etais-je indigne de rejoindre des patriarches ? M’étais-je si mal comportée dans la vie – ou la mort ? Mon monde était sens dessus dessous.

D’un autre côté, l’après-vie ressemblait singulièrement à la vie normale. J’avais même gardé mes émotions et mes sensations. Mais après avoir attendu, et attendu encore dans cet endroit, sans voir aucun esprit de mes ancêtres ni rencontrer aucun Patriarche, mes émotions étaient surtout la souffrance, la perplexité et la solitude. J’étais à nouveau seulement une fille de quatorze ans, qui voulait retourner auprès de ses parents, et terrifiée à l’idée de rester seule. Mon armure de zèle et de fierté avait disparu. Où étaient ces choses que les Pontifes nous promettaient après la mort ? Avaient-ils menti ? Qu’étais-je supposée faire ? Peut-être rencontrerais-je un autre fantôme auquel je pourrais poser ces questions. Mais il ne s’agirait peut-être pas d’une esprit Orzhov, et chacun devait faire face à sa propre tristesse.
J’étais confuse, perdue. Je n’étais pas encore prête à évoluer. Il y avait encore trop de choses qui restaient de ma vie, surtout tout l’enseignement Orzhov, qui pesait lourd sur ma conscience.

Le temps passa – impossible de préciser s’il s’agit de jours ou d’années – et j’eus enfin le courage d’explorer le quartier fantôme, prête à en savoir plus. Je fut très surprise de découvrir à quel point les morts sont désireux de parler de leur vie, et de ceux qu’ils avaient connu. Peut-être une façon de se raccrocher à quelque chose. Je fus plus surprise encore de découvrir que certains esprits du quartier fantôme pouvaient se déplacer du monde des morts à celui des vivants. Ceux-là n’avaient pas autant envie de parler que les autres, puisqu’ils avaient des nouvelles de l’extérieur. C’est un d’entre eux qui me raconta une histoire qui lui paraissait sans importance, mais qui en avait beaucoup pour moi.


C’était un ouvrier, mort parce qu’un géant avait fait basculer un bâtiment juste à côté de l’endroit où il travaillait. Il était sous contrat avec les Orzhov pour repaver la place où se trouvait « l’arbre des pleurs ». « ça aurait été une très bonne affaire », me dit-il. Quelque chose dans ce qu’il disait piqua mon intérêt, et je commençais à en parler à d’autres fantômes. J’en appris davantage d’un jeune homme Orzhov, dont le fantôme paraissait usé, en lambeaux. Il devait être ici depuis longtemps. Il me raconta qu’après le meurtre (je commençais à penser qu’il s’agissait du mien), un grand tumulte avait agité les Basiliques. Lui-même n’avait pas été là, mais certaines des âmes qu’il servait étaient présentes. Lui et quelques autres avaient été ramenés du monde des esprits par les agents du Conseil et formés en une unité défensive. Ils devaient garder la petite place où se trouvait l’arbre où les Rakdos avaient tué la fille. Les rancoeurs anti-rakdos commençaient à renaître, et l’on demandait au peuple Orzhov de faire des dons pour financer la vengeance de « l’arbre des pleurs ». Comme les dons excitaient les convoitises, il avait dû protéger l’arbre des voleurs pendant des semaines, jusqu’à ce que son fantôme soit finalement écrasé et renvoyé dans le monde des esprits par un commando Gruul, qui avait brisé leur ligne de défense. Je me sentais triste pour lui. Après tout, c’était un peu ma faute s’il avait dû garder cet arbre.
J’allais souvent le revoir plus tard, près de ce qu’on pourrait appeler une fontaine. En fait, il n’y avait pas d’eau. Beaucoup de gens du quartier fantôme s’y rendaient pour regarder la fontaine vide et oublier, mais moi, je m’y rendait pour trouver du monde, et qu’on réponde à mes questions. Absolument pas pour oublier.
Peut-être que j’aurais mieux fait. La vision des srânes embusqués près de l’arbre au moment de ma mort commença à me hanter. Une campagne de revanche était organisée pour moi. Une place était construite. L’endroit de ma mort était baptisé et devenait un monument… J’avais envie d’en savoir plus. Cela avait sûrement quelque chose à voir avec mon avenir. Peut-être s’agissait-il d’un test que je devait réussir avant d’être acceptée chez mes supérieurs.

Mais ce que j’ai trouvé en continuant à chercher, pendant 125 ans, n’était pas la clef de l’entrée au Conseil. C’était la preuve que mes espoirs étaient trompeurs.

En fin de compte, j’ai fini par retrouver mon père, un jour, en restant ici. Mais ni moi ni lui n’avons jamais revu maman. Papa avait beaucoup de choses à dire. Des années avaient passé avant que nous ne nous retrouvions, mais en recollant les morceaux, nous avons réussi à reconstituer une histoire qu’il était difficile pour nous d’accepter.
La place où se trouvait l’arbre des pleurs n’avait jamais été finie. Les bâtiments des alentours avaient été détruits pour rebâtir des habitations huppées. Une fois qu’elles furent vendues, le travail sur la place fut stoppé. L’argent qui avait été collecté durant tout ce temps pour organiser la campagne qui aurait dû entraîner la ruine des Rakdos n’eût qu’une utilisation : payer le procès de deux voyous dont beaucoup pensaient qu’ils n’avaient même pas eût de rôle à jouer dans mon exécution. Après quelque temps, la plupart des gens oublièrent que l’Arbre des pleurs avait été témoin d’une atrocité. Quelques uns continuaient à déposer des pièces à son pied, un peu comme font les enfants qui jettent une pièce dans un puit pour faire un vœu. Une fois que la vie était revenue à la normale, la campagne de vengeance disparut des pensées des Orzhov. Les Pontifes avaient cessé de chercher querelle aux Rakdos – ils avaient commencé une croisade contre les « Golgaris Impies – qui cultivent la mort, dépravent les âmes et les éloignent du ciel. » Et pendant ce temps, quelques fonctionnaires orzhov essayaient de compter le pécule qu’ils avaient amassé dans une pièce secrète pendant la campagne précédente.


Des milliers de pièces. « Nous sommes l’or précieux. Avec nous, Orzhova brillait. Avec nous elle brille plus fort. » Cela ne nous avait jamais effleuré l’esprit que cette phrase n’était pas symbolique. Nous sommes l’or précieux, ou au moins sa source ! Comme ils sont hypocrites et menteurs ! Honte sur nous pour les avoir cru ! Honte sur nous pour avoir pensé que tout ce pouvoir, toute cette puissance était uniquement utilisée pour nous, le peuple, et pas contre nous. Etions-nous trop aveuglés par l’habitude pour nous rendre compte que nos supérieurs s’enrichissaient en vidant nos coffres ? Etions-nous trop aveuglés par la fierté pour penser que les auteurs des contrats qui liaient tant d’habitants de Ravnica aux Orzhov avaient fait la même chose pour nous ? Malheureusement, il fallait mourir pour s’en rendre compte. Mais cette âme ne compte plus – comme l’Arbre des Pleurs. Cette âme ne peut plus mettre des pièces dans le plateau des Ostiaires. Cette âme ne sert plus à rien. Elle est oubliée.
Mais la fatalité peut aussi être ironique. Quand les esprits manipulateurs avaient mis en œuvre un plan pour récolter des fonds sur la cause des martyrs, ils savaient que leurs contrats seraient en bonne et dû forme. Certaines familles riches recevraient leur part de ce qui avait été pris aux autres. Une autre part serait versée en construction, démolition, en annonces. Des filières secrètes négocieraient avec les Rakdos, et d’autres parts de l’argent seraient amenées par ces mêmes filières (suffisamment secrètes pour faire illusion). Tout cela n’était qu’argent, tromperies, hypocrisie et supercherie.

La partie du contrat me concernant s’était annulée au moment où j’avais vu les srânes. Ma fierté ne m’avait pas laissé voir au delà de ma dévotion totale à la guilde Orzhov. Le contrat concernait une partisane orzhov entre 12 et 15 ans, détaillait quelle famille d’esprits contrôlerait le sien (le mien) après la mort, et quels services elle devrait rendre. Mais le contrat avait été brisé avant même de commencer.
Quand j’avais vu les srânes attendre, me regardant mourir, quelque chose en moi savait que ce n’était pas normal. Les srânes ne pensent pas –ils suivent des ordres. Mon inconscient savaient qu’ils faisaient partie du plan, mais ma fierté m’empêchait de m’en rendre compte. A ce moment, je n’étais plus Orzhov (selon la stricte définition du contrat). J’étais devenue tout à fait autre chose. Une force plus ancienne que celle du Pacte des guildes était entrée en jeu. J’étais une Rusalka – l’esprit d’un innocent. Les Orzhov n’avaient plus à s’occuper de moi. Et c’était dans la nature d’une Rusalka de chercher des indices sur sa mort. Cette seule constatation aurait été suffisamment ironique pour moi.
Et là, au bout de la corde, mon après-vie pris un nouveau tour. Après 125 années d’existence dans l’ombre des mensonges, j’avais finalement la vérité. Et la paix. Mais pas le sourire. J’étais à nouveau à un tournant, et les choses allaient changer, mais cette fois, je garderais les yeux ouverts. Je n’allais pas embellir la réalité avec des rêves remplis d’anges et de richesses.

J’étais libre. J’allais revenir à Ravnica.
Mais la fatalité ricanait malgré tout. Elle savait que je ne retrouverais jamais la vie que j’avais avant. Elle savait que je revenais uniquement pour raconter mon histoire, et voler « l’or précieux » de l’Eglise d’Orzhova."
22 juin 2006

Niv-Mizzet, la source vive

" En quoi Niv-Mizzet est-il un chef et une source vive ? " Il y a tellement de réponses à cette question que je ne sais pas où commencer. " L'origine de la vie. " Niv-Mizzet est le Parun de la guilde d'Izzet ; le maître de la guilde qui a signé le Pacte des Guildes il y a 10 000 ans. Mais ce n'est pas ce que je voulais dire par " source vive. " Peut-être qu'une description du maître de la guilde d'Izzet s'impose.

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Niv-Mizzet est l'être vivant le plus intelligent du plan de Ravnica. Et ça ne veut pas dire que son QI est supérieur de 1 à celui du deuxième être vivant le plus intelligent ; il est si intelligent que s’il venait à remplir un de ces tests psychologiques, il ferait en sorte qu'une fois scannés par l'ordinateur, ses résultats reprogrammeraient la machine, lui donneraient un score parfait et un zéro pointé à tout le monde, que l'ordinateur éteindrait ensuite ses ventilateurs, qu'il surchaufferait et qu'il prendrait feu. Oh, et bien sûr, il ferait tout ça en moins de temps qu'il ne faudrait aux autres pour ouvrir leurs livrets. Et il réduirait ensuite en cendres tous les porteurs de jogging qui pensaient qu'être habillés confortablement leur permettrait d'avoir de meilleurs résultats au test. Les idiots. (Et aussi, oui, il lit dans les pensées - alors il peut épargner celui qui porte un jogging parce qu'il trouve ça cool. Il peut,… mais il ne le fera pas. Pourquoi éteindre le barbecue ?)

Et c'est un peu comme cela que Niv-Mizzet a passé les dernières 10 000 années, dominant les faibles esprits du reste du monde vivant, et repoussant l'ennui en commettant des actes de folie et de feu totalement gratuits. C'est dans sa guilde qu'il a trouvé un semblant d'inspiration. Les génies et les intellects les plus puissants de Ravnica viennent le voir, espérant l'impressionner (ou du moins ne pas l'ennuyer au point qu'il les immole). Et qu'arrive-t-il à quiconque se trouve une tête, deux épaules, deux ailes et une queue au-dessus de tout le monde ? Il devient rapidement égomaniaque.

Ce qui nous ramène tout naturellement à la " source vive. " Le dragon égomaniaque, capricieux et narcissique s'est assuré que sa guilde ne pouvait prendre sa source qu'en lui, l'étoile de la perfection omnisciente. Voyons un peu ce qui a jailli de cette source vive soufflant le feu.

mc21_3qdm4mqxl3oc68pyIl n'y a pas besoin d'aller bien loin pour voir les premiers relents de Niv-Mizzeté : " Izzet. " Le nom de la guilde est basé sur celui du dragon. Vous vous attendiez à quoi ? Le dragon a nommé sa guilde pour rappeler à tous qui est le chef, et aussi bien sûr parce que son nom représente la combinaison de lettres la plus parfaite existante.

Le texte d'ambiance du cachet d'Izzet est lui aussi flagrant. L'arrogance du dragon ne se limite pas aux choix des mots.

Le cachet d'Izzet est régulièrement modifié pour ressembler de plus en plus à un portrait miniature de Niv-Mizzet.

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22 juin 2006

Les guildes du Pacte des Guildes : Les Izzet

Les Izzet ne sont jamais à court d'idées. En fait, tout à Ravnica, depuis les réseaux de chauffage jusqu'aux systèmes d'alimentation en eau, dépend de leur expertise. Maîtres indéniables de la sorcellerie et de l'invention sur Ravnica, ils appartiennent à la seule guilde qui comprend la métamagie : le fonctionnement scientifique de la magie. Dirigés par l'énigmatique et capricieux dragon Niv-Mizzet, les mageturges izzet créent et détruisent dans un cycle ininterrompu de passion de la découverte. Experts en magie élémentaire, ils utilisent les élémentaux pour garder leurs laboratoires d'alchimie et alimenter leurs turbines en énergie. Ils ont même créé leurs propres élémentaux hybrides appelés anomalies. Contrairement à la plupart des autres guildes, les Izzet ne comprennent pas l'importance du pouvoir, de la domination ou de la richesse. Leur seul intérêt est la poursuite avide du savoir.

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Les Izzet ont conçu la majeure partie de l'infrastructure de la cité, comme les systèmes d'alimentation en eau et de chauffage. Ce sont les inventeurs et les ingénieurs de ce monde, même si leurs usines et leurs laboratoires d'alchimie sont souvent alimentés en énergie par des djinns, des éfrits et des élémentaux invoqués.

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Utilisant des instruments d'alchimie pour amplifier leur sorcellerie, les sorciers s'acheminent lentement vers la vieillesse. Mais tous ne sont pas vieux, et tous ne sont pas des hommes. Leurs costumes (flamboyants, grâce à la taille du trésor de leur maître dragon) sont brodés de cuivre et d'or, principalement parce que ces métaux font de bons conducteurs.izzet_styleimage8

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Les soldats d'Izzet portent eux aussi des armures ciselées et clinquantes, affichant ainsi leur allégeance.

26 mai 2006

Les guildes du Pacte des Guildes : Les Orzhov

On dit que pour trouver les Orzhov, il suffit de suivre la piste de l'or. La dite Guilde des Transactions accueille à la fois les citoyens les plus riches et les plus opprimés de Ravnica. Les patriarches, aux richesses et privilèges sans limites, siègent aux plus hauts échelons de la Guilde. Leur fortune leur offre une vie prolongée d'extrêmes excès. Elle leur achète même la morte-vie — les esprits des anciens patriarches s'occupent des « affaires de famille » et dirigent les Orzhov depuis la tombe. Dans les tréfonds de la guilde, on trouve les serviteurs, piégés par les dettes écrasantes qu'ils ont contractées, ou qu'ils ont héritées de leurs parents ou même de lointains ancêtres. Cet ordre social fragile est maintenu par un vernis de rites et de cérémonies religieuses, même si peu croient que les Orzhov vénèrent un autre dieu que la fortune.

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orzhov_styleimage51Orzhov est la guilde la plus riche et la plus prétentieuse de Ravnica. Ses palais (qui ressemblent à un
croisement entre une cathédrale et une banque) sont recouverts de marbre noir et d'or. Un véritable foisonnement d'arc-boutants et de voûtes gothiques. Cette guilde est dirigée par un groupe de patriarches – certains vivants, d'autres morts-vivants. Les patriarches vivants les plus riches et les plus puissants s'arrangent pour que des maîtres nécromanciens s'assurent que leurs esprits puissent survivre à la mort pour s'occuper des « affaires de famille ».

Les patriarches sont humains, mais ils vivent si longtemps et de manière si décadente qu'ils ne sont plus que des sacs enflés de chair grise. Le mana noir n'aide pas non plus. Ces patriarches sont les versions vivantes des fantômes qui composent le conseil dirigeant d'Orzhov.

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Comme beaucoup de castes dans la guilde, les clercs portent souvent des masques attachés à des tiges, cachant leur visage de manière symbolique - marquant ainsi leur vie de mensonges, mais aussi leur honte et leur obéissance. En dehors des ploutocrates fantomatiques de la guilde, ces esprits sont purement ornementaux. Ils servent de hérauts, de sentinelles, et de symboles de la persistance et de la longévité de la guilde.

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7 avril 2006

Avant goût du Texas Couscous Blog

Le Drive-in

Le vent parcourant à toute allure les racines de ses profonds cheveux, le major D. pouvait enfin savourer le gouffre de liberté qui l'envahissait... enfin il pourrai savourer une permission bien méritée.

Il arriva à un drive-in ouvert 24h/24. Pourra-t-il enfin suculer un véritable couscous tant convoité depuis des mois ? Car il était vrai que même si le quartier général des soldats texants possèdait un grand nombre de ressources pécunières, il était guère conseillé d'y séjourner pour sa gastronomie si peu fameuse...marsu_12_

Le major D. s'arrèta devant ce resto à l'allure assez étrange, entra et s'installa à la table la plus proche. Une petite cloison le s'éparait d'une autre table ou un homme à l'accoutrement assurément peu commun était assit. Un serveur lui amena un délicieux couscous qu'il se délectait de savourer d'avance. Après avoir bien mangé, notre acolyte ne pu s'empêcher de pousser un cri de joie : "AYAAAAAAAAA"
Bizarrement ce cri raisonna comme un éco dans la pièce. En effet l'homme derière la cloison venait lui aussi de finir un excellent couscous et avait hurlé le même cri en même temps que notre cher D. qui se trouva fort étonné. Cette homme se faisait appeler M.M. !

Pour voir la suite ou ce qu'il y a avant go sur ===> Texas Couscous Blog

6 avril 2006

L'archimage Védalkien

Il était une fois un petit archimage qui s'appelait Bibi, cet archimage était un être créé artificiellement et qui souffrait de sa différence avec les autres. Il ne connaissait ni son âge, ni son espérance de vie, ni sa famille mais la seul chose qu'il savait était qu'il faisait partie du cercle très fermé des Védalkiens. Les Védalkiens étaient un groupe d'arichimages très puissants qui influençaient les décisions des états en ce monde.

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Bibi se trouvait être un archimage tueur que les maîtres Védalkiens utilisaient pour se débarrasser des géneurs... Mais pourquoi était-il se qu'il était ? Il venait de se réveiller et ne comprenait rien à sa situation, c'était comme s'il revenait brusquement à la réalité...il resta plongé 5 min dans ses pensés à philosopher sur le pourquoi du comment de sa situation actuelle lorsqu'il ouvra les yeux... il était allongé par terre sur la chaussé, il pleuvait énormément, une marre de sang commençait à se former sous son corps inerte. La flamme de sa vie s'éteignait...

28 mars 2006

Texas Couscous's Blog

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Alors alors, il était une fois, deux garçons... Ces deux garçons étaitent tous deux de grands guerriers qui avaient gagnés de grandes batailles en se battant la main dans la main. Un jour, au commencement d'une grande guerre qui s'annocerai violentes, il décidèrent de se préparer à afronter leurs adversaires ensembles.
Il se réunirent pendant une semaine pour préparer leurs troupes à se battre ensemble et partirent à la guerre. Les batailles furent longues et sanglantes mais les deux guerriers ne conssèdaient pas leur victoires, et leurs ennemis furent écrasés un à un.
Depuis ce jour, leur clan se nomme... les texas Couscous...
Bientôt disponible sur internet : l'histoire du clan et des personnages...

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